Gaël Varoquaux

Mon 03 February 2003

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Des Kiwis, des pengouins, des chinois et des colines

Ouf, l’atelier a pris du retard et je n’ai pas les pièces dont j’ai besoin… Je ne peux donc pas travailler ! En ce moment je monte les chambres à vides. En tout il y a de quoi s’acheter une belle Ferrari ( probablement 50 000 $, des dollars américains, bien sûr ), et les pièces sont super-fragiles !

Le principe est simple : nous avons une série de tubes, de chambres, de pompes, de fenêtres… Tous avec des entrées ou des sorties circulaires où sont percés, régulièrement, des trous pour les boulons, comme sur les hublots des vieux scaphandres. Il faut boulonner les pièces les unes sur les autres. Mais cela n’est pas si simple. Comme il nous faut du vide presque absolu dedans (le moins de molécules étrangères possible) il faut de très bons joints, et éviter de contaminer l’intérieur du système. Toute marque de doigt laisse de hydrocarbures qui s’évaporerons lentement pendant des années dans un système sous vide, contaminant l’expérience. Quant au joint, cela n’est pas non plus du joli : il y a des deux cotés un rebord parfaitement lisse et régulier. Entre les deux rebord on cale anneau de cuivre qui va servir de joint, et on le comprime en serrant. Si l’un des rebords (les “knife edges” comme ils disent) prend la moindre rayure (en gros s’il est touché par quelque-chose de métallique) il est foutu !! Pour serrer, il faut serrer régulièrement, donc on prend une clé spécial qui est réglée sur un couple donné. Au delà de se couple elle clique. Et on serre tous les boulons, un d’un coté, puis celui diamétralement opposé, puis celui à coté, … On fait deux fois le tour avec la clé sur un réglage donné et on augmente le réglage… A la fin de la journée je me sens comme Charlie Chaplin dans les temps modernes…


Tous les soirs de la semaine quelqu’un fait la cuisine pour les autres. C’est très sympa car on mange tous en même temps et donc on se voit. En plus le résultat est qu’on mange très bien (pour l’instant en tout cas). Hier soir c’était moi qui faisait la cuisine. J’avais prévu de faire des carottes revenu à la poelle dans de la crème. Bien sûr éplucher des carottes pour 6 goinfres cela prend du temps, mais quand cela a été finalement cuit j’étais bien content. Sauf que au moment où je mets la crème, catastrophe… J’ai beau savoir que la “sour cream” cela n’est pas de la crème je suis toujours surpris par ses propriétés. Bon, c’était pas trop mauvais, même si les grumeaux formés par la crème étaient un peu bizarres.

Dans la maison pour l’instant nous sommes neuf :

  • Grant, le proprio. Il avait les cheveux mi-longs hier matin, mais… Il est sympa, un peu “groovy”, il me fait penser à Waynes dans Wayne’s World . Il est plus sérieux que ce que je pensais au début : il structure la maison et a plus ou moins un vrai travail : il s’occupe de ce qu’il appelle des autistes, mais je me demande si ce ne sont pas des handicapés mentaux, un peu en tout cas.
  • Andrew, un “autiste” de Grant, qui a plutôt l’air d’un anormal que d’un autiste. On ne le voit pas souvent : il reste dans sa chambre à regarder la télé, ou il va faire du skateboard dehors. Il paraît avoir une vingtaine d’années, mais cela n’est pas évident de lui donner réellement un age. Il a l’air sympa, sauf que je ne comprend rien de ce qu’il dit car il s’exprime dans une sorte de jargon personnel, et puis que de temps en temps il se passe des choses bizarres (comme une semaine avant que j’arrive, où il était de mauvaise humeur, et sont skate est passé à travers une fenêtre de la cuisine).
  • Ulrich, un allemand qui était en stage chez en fabriquant d’éléctro-ménager. Il est maintenant en vacances et part avec son sac à dos à travers l’ile. Il est grand, baraque, mal rasé, a les cheveux longs, et fait du surf.
  • Matt, un autre allemand grand, baraque, mal rasé, mais sans cheveux longs. Il fait aussi du surf, rentre à des heures absolument impossibles les soirs, à un grand sourire, une voix super grave, et est un pur beau gosse. D’ailleurs on voit souvent sa copine, Tony, qui est une kiwi, et habite Portobello, sur la péninsule. Lui vient de finir son doctorat en bio-informatique, mais en pratique moins il en fout, mieux il s’en porte !
  • Mark, un anglais, qui viens du lake district, d’une ville où je suis passé en septembre en randonnant. Il travail dans le bâtiment pour l’instant, mais se fait domicilier ici pour pouvoir entrer à l’université en payant moins cher et faire des études de sport : il aime la montagne, et voudrait en faire son métier. Il est un peu bourru mais sympa derrière cela.
  • Louise, la copine de Mark, qui pour l’instant se balade en Europe (à Alban Berg en se moment), où elle fait de la compétition de descente en luge solo (du squelette, pour les initiés).
  • Ellen, une Danoise végétarienne, qui fait des études à l’université (mais j’ai oublié de quoi), et qu’on ne voit pas souvent en se moment car elle fait du dériveur dans la baie.
  • Tim, son copain, qui n’habite pas officiellement ici, qui ne mange pas avec nous, mais qui dort souvent ici ; il est californien, et fait de l’informatique, je crois.
  • Gaël, un ahuri de français.

De plus nous avons une grande chambre de libre…

La maison est rarement entièrement pleine, il y a toujours du monde qui se balade à droite et à gauche, mais en plus il y a les amis des locataires, les anciens locataires qui viennent rendre visite… Bref, il y a parfois de l’animation.


Jeudi après-midi j’en avais vraiment marre de bosser. Je perdais mon temps car je n’avais pas des boulons non-metriques (ces tarés d’amerloques utilisent le système impérial, et donc les pièces qu’ils nous ont fournis sont taraudées avec un pas non standard). Comme on avait un visiteur de Boulder dont c’était le dernier jour, Nicola, qui avait travaillé avec lui, lui a proposé d’aller visiter la péninsule. Et elle m’a proposé, ainsi qu’à Stefan. Vu comme le temps était superbe je me le suis pas fait dire deux fois, surtout que avec une voiture cela aide pas mal.

Nous sommes donc partis pour la pointe de la péninsule (“point Taiaora”, je crois) où en centre d’ “éco-tourisme” permet pour 40 dollars (20 euros) d’admirer les rares albatros royaux. Bien sûr il n’était pas question de claquer 40 pour cela et en marchant le long d’une plage nous avons pu voir les superbes oiseaux :

“ A peine les ont-ils déposés sur les planches, Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux, Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches Comme des avirons traîner à côté d’eux.”

Je comprend maintenant les vers de Baudelaire : les albatros ne peuvent s’envoler s’il n’y a pas suffisement de vent. Ils utilisent le vent comme en parapente pour décoller. Heureusement ce jour là il y avait du vent. Si non nous n’aurions rien vu.

Sur la plage se prélassaient aussi des “fur seals”, des phoques. Se sont de grosse bêtes assez impressionnantes qui n’ont absolument pas peur de l’homme. Un homme nous a même montrer un terrier de Pingouins Bleus, mais nous n’avons pu voir que le bout de leur nez, car ils se terraient au fond.

Prochaine étape : “Sandfly beach” où une colonie de pingouins aux yeux jaunes est établie. En sortant de la voiture la vue sur la plage était fabuleuse : une sorte de rivière de sable descendait de la pointe en face pour aboutir à la plage. Au milieu de ces pentes de sables des dunes dépassaient, avec par endroit des grandes touffes d’herbe. La descente c’est faite en courant dans une grande pente de sable et à l’arrivée nous avions tous les chaussures pleines. Il fallait traverser la plage pour arriver à une cache d’où on pouvait observer les pingouins sans les effrayer, et le vent nous soufflait du sable à la figure, dans les yeux, si violemment que nous regrettions les lunettes de protection du labo. De long rouleaux rentraient dans la baie et defferlaient sur quelques centaines de mètres tandis que le vent faisait s’envoler l’écume de leur crête c’était superbe. Arrivé à l’autre bout de la plage nous l’avons quitté pour nous cacher dans un abris aménagé par le “DOC” : Departement Of Conservation, les Eaux et Forêts locales. Les pingouins sont très craintifs, et ils ne se montrerons pas s’ils peuvent voir des humains. Le soir ils rentrent de la pêche pour monter dans leur nids et nourrir leurs petits. Il faut donc entendre, les jumelles rivées aux yeux, qu’ils veuillent bien se montrer. Nous avons observé la bande de rochers qui sépare la mer de leurs nids pendant une bonne heure, ce qui nous a permis de repérer un bon nombre de phoques que nous n’avions absolument pas vu au début et un jeune pingouin allongé sur le ventre au pied de la colline. Nous commencions à désespérer quand le premier s’est montré. Il est sorti de l’eau, pataud, se dandinant pour aller vite se cacher dans les rochers, fauché de temps en temps par les vagues, ce qui entrainait immanquablement une glissade sur le ventre. Un autre a suivi assez vite puis ils sont restés dans les rochers pendant une demi heure (il n’y avait qu’une centaine de mètres de largeur de rocher). De temps en temps ils se décidaient à avancer de quelques mètres. On les voyait se courber comme des bossus et se redresser d’un seul coup en avant, bondissant sur un nouveau rocher. Au pied de la colline ils ont commencé leur longue ascension quotidienne : bien 150 de dénivelé sur une pente très raide pour arriver à leur nids. Nous les avons quitté là : il commençait à faire froid. Sur la plage, en marchant vers la voiture, en nous retournant, nous avons appercu une autre forme bossue et trapue se dandinant hors de l’eau. La remontée vers le parking s’est faite en plantant l’avant des chaussures dans le sable, comme dans de la neige.

Pour une soirée improvisée je dois dire qu’elle était réussie, d’autant plus que en rentrant j’ai découvert que Matt et Ulrich avaient préparés des crèpes.

Le lendemain j’ai bossé comme un malade pour terminer de boulonner tout ce que je pouvais (ce qui n’était pas une très bonne idée car lundi j’étais à cours de boulot). Le soir était le nouvel an chinois. Il y a une certaine population chinoise ici et une occasion de faire la fête ne se refuse jamais. Je suis descendu à l’ “Octogon”, la place centrale de Dunedin en forme d’octagon, et des stands vendaient de la nourriture chinoise tandis que sur une estrade se succédaient de danseurs, des musiciens, et autres artistes. C’était asiatique et exotique, mais rien comparé à Hong Kong. A minuit on attendait un feux d’artifice. Il n’avait pas encore plut de la journée, ce qui est un peu louche ici, mais la météo s’est vengée ; heureusement avec quelques gouttes, et cela n’a pas compromis le feu d’artifice qui s’est révélé superbe.


Il y a un allemand super sympa au labo, dans le groupe des théoriciens. Il s’appelle Christophe et est ici depuis Octobre. Il fait une sorte de stage pratique que doivent faire tous les allemands pour ce qui ressemble à leur maîtrise.

Bref quoi ce marrant au grand sourire, au gros sac à dos, au pantalon kaki de randonnée, a l’air motivé pour se balader. Il a acheté une voiture (elles sont vraiment très bon marché ici, mais je ne crois pas que je vais en acheter car il faut que je limite mes dépenses). Il a donc acheté une vieille guimbarde et a déjà pas mal visité l’ile avec ses amis. Il dit que presque tous les soirs, il les passe à la plage, et qu’il n’est jamais chez lui quand il fait beau. Qu’à cela ne tienne, c’est plutôt un programme qui me plait. Il m’a donc proposé d’aller marcher quelque part dimanche, et on s’est donné rendez-vous dimanche matin dans ma maison autour d’un petit déjeuner, avec une carte pour discuter du programme.

Dimanche on a décidé d’aller faire les “Silver Peaks”, quelques dizaines de kilomètres au nord de Dunedin, se sont les plus hauts sommets du coin (760 m). Nous sommes donc partis dans sa Ford Cortina délabrée sur les routes de Nouvelles Zélande. A fond (80 km/h) dans une telle voiture sous un fabuleux soleil, avec “The Wall” en fond sonnore, à travers des vallées où on ne croise que deux trois fermes c’était génial. D’autant plus que dés qu’on a quitté le highway (une bonne route bien marquée et bien goudronnée avec même de temps en temps deux files) on a été bons pour un chemin de terre et de gravier. Il y en a énormement en Nouvelle Zélande. Je dirais bien que la moitié de leurs routes sont ainsi. La cortina a peiné, et les fenêtres ont étés fermés pour essayer de garder la poussière à l’extérieur mais nous sommes arrivé, après être passé devant plus d’une grande maison isolée, devant un panneau “DOC, SilverPeak Reserve”. Une fois la voiture garée, et après être monté sur le toit pour prendre une photo, nous nous mettons en route vers les pics en question. Le terrain est très varié. Nous commençons par progresser dans une sorte de garrigue avec de gros buissons sortant d’une couche épaisse d’herbe, puis nous nous enfonçons dans des broussailles qui nous arrivent jusqu’aux épaules, et par moment nous disparaissont dans une petite forêt si dense qu’on ne peut faire trois pas en dehors du chemin. Après deux petites heures de marche nous arrivons au sommet où une vue sur le “central Otago” (la région à l’intérieur des terres) nous attend. Des petites montagnes s’étendent devant nous jusqu’au “Ducan’s Range” qui nous barre la vue et nous empêche de voir les alpes Néo-Zélandaises. De la broussaille, essentiellement vierge à perte de vu, avec des rochers ou des arbres dépassant par endroit. On se serait cru dans le Seigneur des Anneaux, à la porte du Rohan. Cela ne m’étonnerait pas qu’ils aient tourné cette partie dans le coin.

Un bon casse croûte au sommet fait toujours plaisir (même si le vin manque indéniablement). Puis c’est la descente, et en un rien de temps nous sommes de retour à la voiture. C’est fabuleux comme on peut vite se soustraire à la civilisation dans ce pays.

Comme la balade a duré moins longtemps que ce que nous avions prévu il nous reste du temps. Chris m’enmène donc à “Long Beach”, à travers une succession de ces routes de graviers qui traversent la montagne. Là bas je découvre des kiwis accrochés sur une falaise : c’est l’endroit où il y a des voies d’escalades équipées le plus proche de Dunedin. Sur la plage Reece, Gronia, et toute le bande sont en train de faire un grand barbecue. Le barbecue est interrompu quand Reece envoie leur Freeze-Be dans l’eau. Cela se termine en baignade dans une eau un peu froid. Froide peut-être, mais il y a des surfeurs qui en profitent, avec combinaisons, certes, mais ils se débrouillent bien.

Chris m’enmène voir les grottes au bout de la plage. Malheureusement nous n’avons pas de lampe torche et nous n’allons pas bien loin. Il faudra y retourner. Le soleil commence à se coucher et nous retournons à Dunedin. Un petit arrêt au supermarché pour refaire des provisions et nous allons à l’appartement de Chris où nous nous cuisinons des pattes aux légumes à la Chinoise (pas mal la recette, je retiens). Cela se termine en écoutant des CD sur la chaîne de Ch ris. J’ai récupéré le Requiem de Mozart et les concertos pour Orgue de Haendel, tout est sauvé.

Lundi matin il faut reprendre le boulot, et avec des coups de soleils, mais j’ai des projets fous en regardant la carte. Le seul problème est que les endroits qui m’interresent le plus sont vraiment perdus au milieu de nul part et tout à fait inaccessibles (quand je dis inaccessibles, ici cela veux dire des centaines de kilomètres carrés sans route ni quoi que ce soit..

Affaire à suivre.
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