Gaël Varoquaux

Mon 02 June 2008

←Home

Asie centrale: 17 mai - 8 juin 2008: Kyrgyzstan

Deuxième partie du voyage: au Kirghizstan.

Photos et panoramas : Gaël | Récit, mise en page et retouches photos : Emmanuelle

Carte voyage

Vendredi 23 mai : Tashkent -> Bishkek

Aujourd’hui, nous quittons l’Ouzbékistan pour le Kirghistan. Nous avons un vol à 8h30 pour Bishkek, la capitale kirhize. Nous partons de l’hôtel à 6h, il fait déjà jour. Nous n’avons aucun problème à trouver juste devant la gare un taxi qui nous emmène à l’aéroport. Le passage de la douane s’effectue sans aucune problème, contrairement à ce qu’on nous avait raconté : le policier regarde rapidement la feuille où nous avons marqué la quantité de devises que nous transportons, et nous laisse passer sans rien nous demander. C’est un soulagement ! Nous volons avec la compagnie Uzbekistan Airlines, et notre avion n’est pas le Tupolev annoncé sur le billet, mais un Airbus. L’avion est majoritairement occupé par un groupe d’Allemands du troisième âge, qui nous demandent si ça ne nous fait pas peur de voyager tous seuls. Nein, keine Angst !

Arrivés à l’aéroport, nous faisons faire notre visa au service consulaire : le Kirghistan permet aux ressortissants d’un certain nombre de pays occidentaux, dont la France, de faire leur visa automatiquement en arrivant à l’aéroport. Il suffit de donner un photo, et de payer 35 dollars pour le visa : c’est extrêmement pratique. Nous changeons des dollars en soms kirghizes, puis on prend la marshrutka qui va de l’aéroport de Manas à Bishkek, après avoir réussi à traverser le bataillon de taxis.

A Bishkek nous nous rendons à la guesthouse “Ultimate Adventure”, qui est le camp de base d’une agence de voyage française. Son équipe nous a donné beaucoup de renseignements sur la Kirghizie pendant que nous étions encore en France. Nous devons marcher un petit moment pour rejoindre la guesthouse, un peu excentrée. Les gens dans la rue sont très gentils et nous aident à trouver le chemin. Nous trouvons enfin la guesthouse. Smaïl nous y accueille : c’est un Algérien qui parle 9 langues et a pas mal roulé sa bosse avant de se fixer en Kirghizie il y a une dizaine d’années. Il dirige l’équipe kirghize de l’agence avec beaucoup de bonne humeur et d’efficacité. Nous discutons un peu dans le jardin pendant qu’il nourrit son bébé, la petite Kahina qui est la vedette de la maison !

Puis nous partons faire les courses pour nos randonnées : nous achetons des cartes dans un petit magasin à l’étage d’un immeuble sur l’avenue Kiev, à peine indiqué. Ce sont des 1:200000, donc pas très précises, mais c’est tout ce qu’il y a. Pour les cartes plus précises, Gaël avait fait un gros travail à Paris pour aller chercher des cartes de l’armée soviétique sur Internet, puis les faire imprimer sur du papier spécial. Ensuite nous galérons longtemps pour essayer de trouver du gaz : notre réchaud fonctionne au gaz, mais c’est très dur d’en trouver, ici la plupart des gens utilisent du pétrole. Sur l’avenue Moskva, nous trouvons un magasin de sport qui a un rayon randonnée, mais pas de gaz. Ils nous conseillent un magasin de chasse/pêche juste à côté, mais qui est fermé. Nous remettons donc la quête de gaz à plus tard, en espérant que nous pourrons en acheter à la guesthouse. Nous faisons ensuite les courses alimentaires au supermarché Beta Store, qui ressemble en tout point à un supermarché parisien. Ca aurait été beaucoup moins cher de faire nos courses au bazaar, mais nous n’avons pas beaucoup de temps et le Beta Store est juste sur notre chemin. Nous y trouvons quand même certains produits qu’il n’y a pas dans les bazaars, comme du muesli ou de l’instant pudding.

Nous rentrons à la guesthouse, où est arrivé Sacha, le chef des guides d’Ultimate Adventure. Nous lui posons plein de questions sur les randonnées, la quantité de neige, les passages de col, les transports, le logement, etc. Il connaît super bien les montagnes qu’il sillonne sans cesse avec les groupes, ou pour découvrir de nouveaux endroits pour randonner. Il nous conseille un programme constitué de plein de petits sauts de puce : cela aurait l’avantage de nous faire découvrir plein de jolis endroits sans trop nous fatiguer, mais nous souhaitons faire des randos un peu plus longues, sans devoir reprendre un véhicule tous les deux jours. En tout cas, Sacha est une véritable mine de renseignements, dont certains nous seront bien utiles par la suite. Il est tard quand nous sortons du bureau du guide, nous sortons manger rapidement un morceau au café du coin. On a juste le temps de commander manti, et laghman (une soupe épicées de nouilles au boeuf, super bon), puis la lumière s’éteint et c’est une soirée karaoké qui commence. Il n’y a pas beaucoup de monde, mais presque tout le monde danse et a l’air de bien s’amuser, pendant qu’une fille très concentrée fait une reprise réussie de Smooth operator. Il est tard et nous avons encore nos sacs à préparer, les cartes à regarder, donc nous partons. Mais nous serions bien restés un peu plus danser avec les Bishkekois !

Samedi 24 mai : Bishkek -> Karakol

Aujourd’hui nous partons à Karakol, une ville dans le sud est du pays, au pied des montagnes du Tien Shan. Pour les touristes, Karakol est un camp de base pour de nombreuses randonnées.

Après un somptueux petit déjeuner à la guesthouse, nous commençons par aller retirer de l’argent à l’un des rares distributeurs de billets de la ville, situé dans une banque au croisement de l’avenue Manas et de la perspective Chuy. Puis nous cherchons à nous rendre à la gare routière pour trouver une marshrutka pour Karakol. Le tram ne vient pas, on est un peu embêtés, du coup on finit par héler un taxi. En arrivant à la gare routière on se rend compte qu’elle était en fait beaucoup plus près que ce qu’on croyait, en qu’on aurait pu y aller en 20 minutes du marche. Au moment où il s’arrête, le chauffeur du taxi ne peut s’empêcher de sourire car il a repéré la nuée de chauffeurs de taxi et marshrutka qui va s’abattre sur nous. En effet, ça ne manque pas : on nous propose en vrac plein de destinations, Almaty, Osh et aussi Karakol, pour des prix plus ou moins intéressants. Un gamin plus malin que les autres remporte le marché avec un bon prix (250 soms par personne). Il se dépêche alors de nous emmener au fond du parking où est garée la marshrutka en question, c’est à peine s’il ne nous prend par la main pour nous y emmener !

Nous montons dans la marshrutka, déjà pleine aux 2/3 : il faut attendre qu’elle soit bien remplie pour partir. Encore une fois, nous serons les seuls touristes. Nous partons assez vite. Notre chauffeur est un vrai champion et semble avoir décidé de battre le record de vitesse sur le trajet Bishkek-Karakol. Il dépasse tout le temps, souvent de manière assez agressive ! Sur la grand route il y a une voie de chaque côté, plus une voie centrale pour doubler où les voitures évoluent dans un chassé-croisé assez impressionnant. Il y a beaucoup de policiers au bord de la route avec un radar, et notre chauffeur se fait arrêter trois fois. A chaque fois il sort discuter avec les flics, on suppose qu’il s’en sort bien car il n’a pas l’air trop préoccupé. Nous quittons la région de Bishkek pour entrer dans la vallée de la Karaka, une puissante rivière qui a créé des canyons encaissés de pierre rouge sur ses rives. Le chauffeur est toujours aussi pressé et double beaucoup, parfois sans visibilité. Une fois il évite de justesse un camion qui le klaxonne furieusement. On arrive au lac Issy Kul et les gens commencent à descendre tandis que d’autres montent. Des familles se disent au revoir sur le bord de la route.

Le lac Issy Kul est tout à fait charmant, bordé de montagnes enneigées qui descendent jusqu’à ses rives. Sur la côte nord que nous longeons, plusieurs stations balnéaires ont connu leur heure de gloire pendant la période soviétique, et d’énormes paquebots de bétons rappellent ça et là leur splendeur passée : les touristes préfèrent maintenant aller dans les montagnes au sud du lac.

La marshrutka nous dépose dans le bazaar de Karakol. La ville nous semble d’emblée chaude, sale et poussiéreuse. Pas une seule rue goudronnée, des nids de poule qui labourent toutes les artères et ralentissent considérablement le trafic… Ca nous fait un peu bizarre. Il règne à Karakol une impression de bout de monde, de frontier town, comme si les gens qui s’y trouvent s’y étaient arrêtés car ils ne pouvaient pas aller plus loin… Nous nous rendons à un hôtel pour backpackers, le Yak Tur. Nous toquons à un grand portail, pas de réponse, puis nous voyons apparaître le museau d’un chien sous le portail : il doit donc y avoir du monde ! En effet, on nous ouvre pendant qu’un joli chien se glisse sous la porte. Les prix sont très honnêtes (300 soms ou 450 avec le petit déj) mais c’est bien plus cher que ce que dit le Lonely Planet. L’hôtel est un ancien hôtel particulier à la décoration abracadabrante : notre chambre fait bien 30 m^2, et contient entre autres un piano, une table d’ébène, deux immenses miroirs, deux lits divans d’une autre époque… les murs et le sol sont recouverts de tapis et de tentures rouge bordeau. C’est amusant. Par contre, la propreté de la salle de bain commune laisse un peu à désirer. A un moment, la lumière s’éteint, il n’y a plus d’électricité. Nous nous disons que nos hôtes bricolent, et nous sortons faire un tour.

En nous baladant dans la ville nous nous rendons compte qu’il s’agit d’une coupure d’électricité générale. On nous explique que le gouvernement a vendu trop d’électricité en hiver (aux Kazakhs notamment, d’où une certaine amertume envers ce peuple plus riche) et que pour faire des économies, l’électricité est coupée chaque jour entre 16h et 20h. Ceci renforce évidemment l’impression de ville fantôme que nous avons eue en arrivant : les gens traînent mélancoliquement devant leurs magasins en attendant le retour de la lumière à l’intérieur… Nous arrivons trop tard à l’office du tourisme où nous aurions aimé obtenir quelques renseignements, mais sur la place du bazaar, nous nous arrangeons avec un taxi 4x4 pour qu’il nous emmène le lendemain dans les montagnes de Jeti Oguz. Nous avons du mal à trouver un endroit pour manger : tout a l’air fermé. On finit par trouver un café où nous mangeons des salades et des manti dans le noir. La serveuse est aussi jolie que désagréable. Les cheveux courts, mince, impeccable dans son ensemble veste pantalon à l’occidentale, elle arpente nerveusement le café, claquant ses talons sur le sol. La coupure d’électricité a l’air de lui porter sur les nerfs… L’électricité revient à 20h pile, et le café semble tout de suite plus gai. La télévision est tout de suite allumée sur une chaîne de musique. En sortant du café, un jeune mendiant – il n’a pas dix ans – nous tourne autour en nous demandant de l’argent. Nous ne savons que faire, car tous les guides recommandent de ne pas donner d’argent aux enfants seuls, exploités par leurs parents. Et c’est vrai que si les gens sont généreux avec les vieux ou les femmes qui demandent l’aumône, les gens dans la rue crient au gamin de partir. Mais le pauvre gosse a l’air assez mal en point, sale et très maigre… J’ai encore mon portefeuille à la main après avoir réglé l’addition, et il me tourne autour en ne le quittant pas des yeux, j’ai peur qu’il me l’arrache… Il finit par se décourager et partir, mais on se sent vraiment bêtes et impuissants…

Dimanche 25 mai : vallée de la Karaka

La vallée

Notre premier jour de rando ! Nous commençons par prendre des forces au petit déjeuner, puisque nous avons choisi l’option chambre+petit déjeuner à la suite des recommandations insistantes de notre hôte, très fier de sa cuisine. On nous sert en effet – entre autres – un plat roboratif à base d’oeufs, herbes et poissons, très bon et original. Nous discutons ensuite avec Valentin, un vieux russe malin qui organise des balades en montagne pour les touristes de l’hôtel. Il nous dit qu’il y a trop neige sur la rando que nous avions programmée, et nous conseille de remonter plutôt la vallée de la Karaka, puis d’aller vers les sources chaudes d’Alty Arachan (où il a des yourtes pour les touristes). Nous décidons donc d’aller dans la vallée de la Karaka et d’aviser là-bas en fonction de l’état de la neige.

A la station de taxis nous proposons donc à notre chauffeur de changer de destination, mais il estime que sa Lada Niva 4x4 n’est pas nécessaire pour ce coin et nous confie plutôt à un de ses collègues, un taxi “classique”, pas 4x4. Comme d’habitude, un attroupement de taxis se penche sur notre carte (les gens connaissent bien le coin, mais ne savent souvent pas bien lire une carte, et ça prend un certain temps), puis nous faisons affaire. Nous sortons lentement de Karakol, chaque rue devant être négociée doucement pour ne pas abîmer la voiture dans les innombrables nids de poule, puis nous suivons une petite route qui remonte la vallée de la Karaka jusqu’au parc national. Après avoir payé l’entrée du parc, la voiture peut même nous déposer encore un peu plus loin, près d’un groupe de maisons. C’est la rando qui commence…

Pendant que nous rangeons un peu nos sacs, des hommes sortent deux petits veaux du coffre d’une voiture. Ils les ont probablement achetés au bazaar aux bestiaux de Karakol. Les deux bestioles ont eu beaucoup d’émotions et sont complètement tétanisées ! Pour remonter le vallée nous devons choisir quel côté de la rivière emprunter : un pont permet de choisir un côté ou l’autre pour partir. La carte n’est pas très claire non plus à cet endroit (nous utilisons une carte 100 000è pas très précise). Nous partons à droite (rive ouest), ce que semble indiquer la carte, mais le chemin devient assez vite impraticable, avec notamment des rivières à traverser à gué ou des hautes herbes boueuses à traverser : pour un parc national, on s’attend à un chemin meilleur. On rebrousse donc chemin pour passer sur la rive est, où la route est en effet plus large et meilleure. On croise de nombreuses familles venues pique-niquer, qui nous hèlent joyeusement. De manière générale, les Kirghizes adorent leurs montagnes et aiment aussi beaucoup faire la fête : ils profitent de chaque occasion pour aller y pique-niquer ! Ils étalent plein de tapis colorés sur l’herbe, sortent les samovars, les bières… et passent des après-midi à manger et discuter pendant que des ribambelles d’enfants courent autour ! Nous marchons dans une belle vallée boisée aux pentes escarpées, le temps est changeant mais plutôt beau. Le torrent que nous remontons est large et impétueux, ils est impensable de le traverser sans pont à cet endroit. Un large pont nous permet plus tard de passer sur la rive ouest pour suivre le chemin.

La vallée

Nous marchons 5h avant d’arriver à un grand plateau où la vallée s’élargit et la rivière sinue joliment. Nous avançons un peu jusqu’à arriver à un pont qui permet de partir vers le lac Ala Kul, vers l’est. L’endroit est idéalement adapté pour poser le camp, et nous y laissons les sacs pour poursuivre un peu l’exploration du plateau en suivant le chemin principal. Arrivés à un bras de la rivière, nous croisons trois cavaliers nomades : leurs chevaux traversent sans problèmes le gué, ils ont fière allure ! Nous mettons nos guêtres pour traverser la rivière en courant, ce qui permet d’éviter – presque – de se mouiller les chaussures. Plus loin, il y a les traces d’un campement très organisé, avec foyer, toilettes, pierres pour marquer le seuil des tentes, …, sûrement mis en place pour les groupes en trekking organisé. Un cheval blessé à sa patte arrière gauche semble attendre mélancoliquement qu’on le soigne, c’est un spectacle assez navrant. Nous pensons qu’il a dû venir ici car il y a souvent des hommes, malheureusement nous serions bien incapables de soigner un cheval…

Nous retournons au camp où nous montons la tente, que nous n’avions pas montée depuis tout juste trois ans ! (la thèse…). Comme nous avons beaucoup de nourriture nous faisons un énorme repas de pâtes. Notre camp est idéalement situé, tout près de la rivière et bien à l’abri sous de grands pins. Nous assistons un peu surpris au passage d’une grosse moto tout terrain qui est venue jusqu’ici… Une petite gerboise nous regarde manger ; elle amuse beaucoup Gaël en déchiquetant méthodiquement les feuilles qu’elle mange.

C’était une très belle journée de rando, avec des conditions presque idéales : temps frais, terrain facile… Mais c’est bien pour commencer, car les sacs sont lourds (entre 18 et 22 kg je dirais).

Des cavaliers

Lundi 26 mai : aller-retour au lac Ala-Kul

Lac Ala-Kul

Aujourd’hui on laisse la tente au camp pour faire une balade à la journée, ça fera moins à porter. Avant de partir nous montons le sac de Gaël en hauteur sous la branche d’un arbre, comme nous l’avions fait pour la nuit, pour éviter que les ours (ou les rongeurs) ne s’y attaquent.

Nous partons au lac Ala Kul, un lac glaciaire à 3500 m d’altitude (ça nous fera donc 1000m de dénivelé). Le chemin traverse la rivière, puis monte sec dans une petite forêt de sapins et de bouleaux. Il est très bien tracé, et poursuit dans une succession de montées raides et de plateaux. Des marmottes ou des lièvres pas très farouches gambadent près de nous. Il fait beau, avec un léger voile nuageux. Nous arrivons au lieu-dit de Sirota, un camp de base pour continuer ensuite sur Ala Kul. Il y a de nombreuses traces de camp, même une petite baraque. Nous atteignons la limite de la végétation peu après Sirota, et nous continuons à monter dans des pierriers. Gaël porte gentiment le sac pour nous deux. On devine le lac derrière un piton rocheux : encore un effort ! Le col (au sens mathématique) passerait par une cascade de glace, donc le chemin passe plutôt par un long pierrier qui vient rejoindre un épaulement au-dessus du lac. Nous avons une surprise à la vue du lac : il est gelé, et recouvert par endroits d’une épaisse couche de neige ! Ca contraste pas mal avec les photos de carte postale que nous avons vues du lac, dont les eaux sont habituellement d’un beau bleu turquoise ! Par rapport à ces cartes postales, le paysage gagne en majesté ce qu’il perd en charme : au creux d’un cirque de montagnes acérées, le lac déroule sa longue silhouette sinueuse de glace. C’est un paysage austère, de roche et de glace. Nous pique-niquons rapidement, sans nous attarder car il fait un peu froid. Nous constatons que si les faces nord sont bien enneigées, les faces sud sont complètement sèches jusqu’à 4000 m : c’est bon à savoir pour la suite.

La descente est à peine plus rapide car la progression est difficile dans les pierriers. C’est d’ailleurs un peu fatigant pour les articulations ! Le temps se couvre de plus en plus. On reprend un peu de pique-nique à Sirota, à couvert du vent sous les pins. Le fromage légèrement spongieux acheté à Bishkek est absolument délicieux. J’avance lentement, assez fatiguée. Quelques gouttes de pluies commencent à tomber.

Arrivés au camp, nous constatons que quelqu’un a monté sa tente à côté de nous : c’est un jeune Anglais au look roots, fort mal équipé (jeans, mauvaise tente…), qui mange un grand plat de nouilles allongé dans l’herbe. Il est 16h30 (on a marché 8h !), je me lave rapidement avec l’eau du torrent (bien froide, mais ça fait du bien !), avant de faire une lessive avec Gaël. Un troupeau de chevaux descend la vallée et traversent la rivière, pour rester tout près de notre camp (ils ne peuvent de toute façon pas aller plus loin, car la vallée est fermée. Ces vallées très étroites par endroits sont très pratiques pour les éleveurs qui peuvent laisser leurs troupeaux pendant des semaines sans surveillance, en mettant juste une barrière à un endroit). Il commence à pleuvoir pas mal. Nous mangeons une grande gamelle de semoule bien bourrative.

Mardi 27 mai : passage du col Tileti

Il a plu une bonne partie de la nuit, mais nous avons une très bonne tente et j’ai très bien dormi. Au réveil tout est trempé, y compris la tente ou le sac de Gaël qui a passé la nuit sous une branche. De longues langues de brume s’élèvent paresseusement dans la vallée : ce n’est pas forcément idéal pour passer un col à 3800m comme nous l’envisageons… Du coup on hésite beaucoup pour savoir quoi faire, et on est très lents. Les chevaux ont dû passer une très mauvaise nuit sous la pluie et commencent à s’étendre doucement au soleil pour faire la sieste.

Le temps de faire sécher la tente, il est 9h quand on part (on se réveille à 6h en général). On continue dans la vallée, très plate et large à cet endroit. Il fait un temps superbe et tout brille au soleil après la pluie. Nous croisons quelques chevaux, et aussi des vaches. Arrivés à l’endroit où la vallée se sépare en deux, nous devons faire un choix. Soit nous partons à gauche (sud-est) vers une balade à la journée en aller-retour vers un glacier, soit on part à droite pour essayer de passer le col Tiletti, mais il est bien tard… Après un goûter censé porter conseil, on décide de tenter le col parce que c’est plus rigolo d’essayer de traverser, quitte à devoir camper un peu plus haut.

Montée au col

On a un peu de mal à trouver le chemin qui monte au col à partir de la vallée. Il faut en fait traverser d’abord un ruisseau (peut-être sec en plein été), puis deux rivières plus importantes, la dernière a un pont composé de plusieurs morceaux de troncs. Il y a ensuite un chemin qui part droit dans la pente sur la droite, c’est celui-là qu’il faut prendre, et pas les bouts de chemin qu’on peut rencontrer plus tôt et qui ne mènent nulle part. Le chemin est extrêmement raide (on fait 500m de dénivelé en 30 min !) mais très bien tracé donc on avance bien, même si c’est vraiment fatigant. Après cette montée abrupte, on arrive à un grand plateau qui monte en pente douce dans la direction du col. Une petite rivière coule doucement au milieu du plateau, la progression est maintenant très agréable. C’est le moment de pique-niquer. Il y a beaucoup de vent donc la limite des arbres est basse, mais il y a beaucoup de buissons. Dans le fond on aperçoit les montagnes qu’il va falloir franchir, avec de la neige. Nous avançons plusieurs heures dans ce plateau ensoleillé, seul avec les marmottes. On finit par apercevoir le col qui fait un S, dans le fond sur la gauche. La progression se fait maintenant dans des pierriers et des langues de neige, c’est assez pénible. A la suite d’une glissade j’ai couche d’un bon cm d’épaisseur de boue neigeuse sur mon pantalon… La fin de la montée au col est plus raide. Il y a beaucoup de neige au centre du couloir, Gaël nous fait passer par des pierriers sur le côté. Ca roule un peu sous les pieds et c’est raide, mais ça vaut vraiment mieux que d’enfoncer dans la neige molle. Il y a quand même quelques langues de neige à traverser : Gaël fait la trace. Il avance plus vite que moi et monte poser son sac au col, puis redescend prendre mon sac pour la fin de la montée. C’est vraiment gentil car du coup c’est beaucoup plus facile pour moi !

Montée au col

Au col, il fait froid, mais le paysage est très beau. On a une vue plongeante sur la vallée de l’autre côté, et la chaîne de montagnes au fond, un peu perdue dans les nuages. Mais la descente est encore beaucoup plus difficile que la montée en raison de la neige où on enfonce beaucoup, souvent jusqu’à mi-cuisse. Quand on peut éviter la neige on avance sur des pierriers d’ardoise très glissants, ou dans des éboulis de gros rochers. C’est épuisant, et je n’en peux plus, avec la neige qui me refroidit beaucoup : j’ai tout le temps l’onglée. Nous mettons presque deux heures à traverser ce faux plat… Quelques cairns sur le côté nous donnent espoir de se diriger vers le bon endroit. On arrive enfin sur un terrain plus agréable, avec même un chemin tracé ! Il faut remonter un peu sur le côté droit pour traverser une rivière, et passer une dernière langue de neige au somment d’un promontoire rocheux. Sous nos pieds s’ouvre le bout de la vallée, qu’il nous faut atteindre pour camper à une altitude raisonnable (ce sera à 3000m tout de même !). Il reste 1h30 ou 2h de jour. On descend super vite, j’ai retrouvé beaucoup de forces sur ce terrain facile. La lumière du soir donne de super couleurs bleutées à la vallée. Les montagnes environnantes sont impressionnantes, il y a un glacier suspendu presque vertical sur une paroi. Arrivés dans une zone plus plate, il y a plein de petits ruisseaux à traverser. On pose le camp dès qu’on trouve un terrain à peu près plat, même si le coin est peu abrité. On bat notre record de temps de montage de tente ! Pendant qu’on se prépare un énorme plat de nouilles instantanées, un groupe de chevaux nous rejoignent silencieusement dans le crépuscule.

Quelle journée ! On se couche vite fait après avoir fini de manger.

Mercredi 28 mai : sortie dans la vallée de Djeti-Oguz

Après les émotions d’hier, on s’octroie une petite grasse mat’ et on ne se lève qu’à 7h30. On se lève tout doucement, en profitant du beau temps, des marmottes. L’eau de la rivière a un très bon goût ici.

On part sans se presser, il nous faut descendre toute la vallée en longeant la rivière qui naît un peu plus haut. Sur la carte, le chemin est indiqué de l’autre côté de la rivière que celui où nous sommes. On passe pas mal de temps à essayer de chercher un gué au fur et à mesure qu’on avance, mais la rivière est profonde et rapide et on n’ose pas traverser. On continue en espérant trouver un pont plus loin. On rencontre en effet un premier pont, constitué de 2 rondins étroits, à l’air pas très solide. On préfère continuer sur la même rive, même si le terrain devient un peu marécageux. On fait bien, car on arrive vite à un deuxième pont, beaucoup plus solide avec 4 larges rondins. C’est bon, on est passés du bon côté !

Petit Kyrgyz cavalier

Un peu plus tard on croise un campement de nomades, et un troupeau de chevaux qu’on traverse en essayant de ne pas effrayer les poulains. Trois gamins dévalent de la montagne en nous faisant de grands signes. On répond à leurs salutations puis on continue, mais on est vite rejoints par les trois petits cavaliers qui sont montés sur leurs chevaux. Ils ont entre 9 et 11 ans et nous proposent de monter en croupe pour un bout de chemin. On hésite un tout petit peu : je n’ai jamais fait de cheval ! Mais ce serait dommage de manquer cette expérience. Les chevaux sont grands et j’ai un peu de mal à monter dessus : je monte d’abord sans mon sac, puis Gaël me le passe. C’est plus dur pour lui de se débrouiller avec son sac… Mon petit guide monte admirablement bien, et conduit doucement son cheval qui a le pas très sûr sur ce chemin accidenté (on traverse quelques gués, et ça descend assez raide). Du coup je n’ai pas peur du tout, et j’apprécie beaucoup. On parle un peu, mais la conversation est assez vite limitée par mon russe ! Enfin, heureusement qu’il y a les signes… On fait un bon bout de chemin comme ça. Nous sommes accompagnés par quelques poulains du troupeau, que le petit garçon caresse de son pied nu quand ils passent à côté. L’un des poulains se met à trotter, du coup notre cheval se met aussi à trotter : ça secoue ! On arrive à un endroit plus plat où la rivière que nous suivons rejoint une plus grosse rivière. Il y a un large pont, et une route de 4x4 commence derrière. A l’arrivée au pont, Gaël et moi descendons de cheval et faisons une distribution de chocolat. On demande à l’aîné comment on peut les remercier. Avec un sourire malin, il nous demande si on a de l’argent. On leur donne 50 soms (1 euro) chacun. On a calculé que c’était sûrement un bon prix, mais c’était très chouette et ça nous a bien avancé.

Nous continuons sur la route de 4x4, où nous rejoignons la “civilisation” : à nouveau pas mal de familles en pique-nique. Les gens n’ont en général pas de 4x4, mais des vieilles guimbardes qui ont vécu. Certaines souffrent d’ailleurs : une vieille voiture cabossée est arrêtée au milieu de la route pour laisser le radiateur refroidir. De jeunes hommes s’affairent sur le moteur, pendant que leur patron est assis sur le siège du passager. Il nous dit bonjour de manière très aimable, nous demande comment on va, puis me demande de me pencher comme pour me dire un secret… et me vole un court baiser. Tout le monde rigole, ça a l’air de le rendre content… pourquoi pas ! La vallée devient de plus en plus peuplée, avec plein de yourtes que les gens montent pour la saison touristique qui commencera bientôt. On croise différents troupeaux sur la route, que leurs bergers emmènent dans les montagnes pour l’été : moutons, vaches, chevaux (par ordre croissant d’intelligence des bestiaux).

Il se met tout d’un coup à bien pleuvoir. A un moment nous sommes rattrapés par mon petit cavalier nomade, qui galope à toute vitesse sur son cheval. Tous les gens qui le voient passer envient son allure à cheval : c’est le roi de la vallée ! On le reverra repasser plus tard : il est probablement allé faire quelques courses avec nos soms. Le soleil revient un peu plus tard, on arrive au “sanatorium” de Jeti Oguz, une station thermale célèbre pour ses formations rocheuses d’un rouge profond. Les falaises rouges que nous apercevons ressemblent un peu à certains paysages de l’Utah. Nous arrivons au village. Il y a quelques maisons et un magasin où nous achetons une bière. Le bus scolaire qui passe va jusqu’à Karakol et accepte de nous y emmener pour 350 soms (on aurait sans doute pu mieux négocier…).

C’est la fin de cette belle rando. Arrivés au bazaar, on se rend à nouveau au Yak Tour. Le beau chien est toujours frétillant à notre arrivée, par contre l’hôte, Sergei, a l’air assez abattu. A la suite d’une coupure, il n’y a plus d’eau courante dans le bloc depuis deux jours. Ca veut dire qu’on ne peut entre autres pas prendre de douche. C’est un coup dur pour lui. On décide d’aller ailleurs, car on a vraiment besoin d’une douche !

L’hébergement pas cher est limité à Karakol. En plus du Yak Tour il y a le Turkestan Yourt Camp un peu plus loin. On trouve l’endroit sans problèmes, heureusement car il est tard. Le gardien nous ouvre et nous mène à une yourte bien accueillante. Pour régler les détails du paiement, il va chercher les responsables, une bande de trois russes complètement bourrés car ils fêtent aujourd’hui l’ouverture de la saison (il n’est que 18h…). Nous avons de la chance car la veille, le camp aurait été fermé. L’un des trois rigolos, un grand roux qui bégaye, se reprend un peu et note nos noms et encaisse l’argent, mais un autre est beaucoup plus lyrique et essaye de nous vanter ses talents de guide de haute montagne, tout en s’excusant tous les trois mots de son mauvais anglais… ou d’être aussi bourré ! Il transpire beaucoup, a l’oeil vitreux et le sourire fixe : il est déjà dans un bel état ! Les gars sont sympas et assez comiques, mais on décline leur offre de se joindre à leur fête, pour éviter de devoir trop boire.

Nous allons dîner dans un café en plein air, où il n’y a pas d’électricité car c’est l’heure de la coupure, mais un générateur fait quand même tourner la sono. On se régale de shaslyks, manti et salade, et on siffle une bière et 1L de jus d’orange. Puis nous prenons la douche chaude qui nous faisais tant envie, et on fait une lessive. La nuit tombe, et le gardien nous montre une petite chouette qui est tombée du nid, sans se faire mal, mais qui n’arrive pas à y remonter. Gaël et lui la mettent dans un pneu tout en haut d’un camion, en espérant que les chats ne pourront pas l’atteindre. Je m’endors à moitié dans la yourte en attendant Gaël quand quelque chose me saute sur les pieds. Je crois d’abords que c’est Gaël qui me fait une blague avant de réaliser qu’il s’agit d’un gros chat. Je lui fais faire un joli vol plané et il s’enfuit sans demander son reste.

Jeudi 29 mai : Karakol -> Bar-Skoon

Aujourd’hui nous repartons de Karakol pour aller vers notre deuxième rando. Nous voulons nous faire déposer dans les montagnes, sur la route de Kumtor, une mine d’or franco-canadienne, et de là rejoindre la vallée de la Juku qui redescend jusqu’aux rives d’Issy-Kul. Mais pour ça, il faut arriver à la route de Kumtor…

On se réveille à 6h et on regarde un peu les cartes avant d’aller au bazaar. On y arrive vers 7h30, c’est clairement trop tôt, les marchands commencent tout juste à s’installer. Quelques stands servent le petit déjeuner. On essaye de repérer les endroits où on peut acheter les choses utiles pour la rando : pâtes instantanées, pain, fromage, chocolat, fruits secs. On achète aussi 1L de jus de cerise qu’on boit goulûment dans les allées du bazaar. On prend aussi un bol de nouilles piquantes comme petit déjeuner. On trouve aussi de la crème solaire de fort indice à un prix dérisoire. Je suis super contente, car le tube qu’on avait était un peu sous-dimensionné, et j’ai quelques coups de soleil. On fait l’ensemble de nos courses alimentaires pour un tout petit prix, c’est vraiment bon marché de se fournir dans les bazaars !

On passe reprendre nos sacs au Yak Tour puis on part prendre une marshrutka pour Bar Skoon. La station “longue distance” n’est pas au centre, et les taxis nous disent à tort qu’il n’y a pas de marshrutka pour Bar Skoon. Evidemment, on sait qu’il y en a. L’un entre eux nous indique la direction de la gare routière. C’est reparti pour un nouveau voyage en marshrutka ! La route au sud du lac Issy Kul est assez mauvaise par rapport à celle du nord, ça secoue pas mal ! Nous sommes déposés à un arrêt à un bon kilomètre du bled de Barskoon, qui n’est pas directement sur la route. Alors que nous marchons vers Barskoon, une voiture s’arrête et nous propose de nous emmener jusqu’au bled. Dans ce break rouge qui a vécu, il y a le conducteur, sa femme, son frère et son gamin, et un certain nombre de courses, mais visiblement encore plein de place pour nos deux sacs et nous. Nous leur demandons comment se rendre vers Kumtor, et, très gentils et serviables, ils nous proposent de nous déposer un peu en dehors du bled en nous disant que des taxis passent par là. On se fait donc déposer au croisement de deux routes, au milieu de collines désertiques qui surplombent Bar Skoon. On fait des photos de groupe avec les téléphones portables des deux frères, nous leur donnons un petit peu d’argent pour l’essence, on échange plein de grands sourires, et ils repartent vers Barskoon.

On se met donc sur le bord de la route et on commence à faire du stop. C’est le début d’une longue attente… Il fait très chaud et le soleil tape dur. Les collines autour de nous sont sèches et pelées, sauf dans le creux de la vallée où une petite oasis se forme autour d’une rivière rapide. Mais il n’y a pas beaucoup de circulation : quelques voitures fatiguées qui s’arrêtent, mais ne vont pas très loin, dans les fermes des environs, et les véhicules rutilants de la mine qui roulent à tombeau ouvert et semblent avoir reçu des consignes de ne pas s’arrêter. Ca nous décourage un peu… on se dit que nos chances d’être pris en stop sont assez minces.

Puis arrive un groupe de trois cavaliers, accompagnés d’un jeune homme qui pousse devant lui un poulain, une vache et son veau. Ils vont presque aussi loin que nous, à trente kilomètres, et tentent de nous convaincre de faire le voyage avec eux, à pied et à cheval. On refuse poliment : nous ne sommes pas bons cavaliers et ça nous fatiguerait trop, et quitte à marcher, on préfère le faire dans les montagnes. Mais ils insistent et nous disent qu’il y a une voiture à la prochaine ferme, qui pourrait nous emmener (on est bien sûr prêts à payer). Du coup on se retrouve à les accompagner un peu sur la route, mais ils sont vraiment bizarres, voire un peu louches. Ils ont un comportement lunatique, voire violent, maltraitent leurs animaux un instant, et l’instant d’après éclatent de rire et prennent Gaël par le bras en l’appelant “brat” (frère). Ils nous posent plusieurs fois de suite les mêmes questions sans avoir l’air de s’en rendre compte, font tomber le contenu de leurs sacs par terre.. bref ils ont l’air franchement débiles. Ils proposent plusieurs fois de prendre nos sacs sur les chevaux pour nous décharger, mais en fait on ne leur fait vraiment pas confiance… donc on refuse catégoriquement. Un premier incident : la vache s’enroule les pieds dans la corde qui relie ses pattes arrières au cou de veau et se met au courir, étranglant à moitié le petit veau. Le plus jeune rattrape la vache et entreprend de désemmêler les pattes de la vache, tout ça en continuant à courir à côté d’elle et sans sembler se soucier de ses violentes ruades… Ca nous semble super dangereux. Puis le summum : alors qu’on traverse un pont au-dessus de la rivière, nos Don Quichotte descendent vers la rivière pour faire boire leur bêtes. Mais alors qu’un des chevaux se penche pour boire, son cavalier laisse échapper le contenu du sac plastique qu’il tient à la main… contenu qui file bien entendu avec le courant. Panique générale : ils se mettent tous à courir, on nous donne rapidement les rênes de deux des chevaux… évidemment ils ne retrouvent rien, et sont très embêtés car il y avait certains de leurs papiers dans ce petit sac en plastique. Nous sommes à la fois atterrés et énervés devant tant de négligence, et très désolés pour eux. On décide une bonne fois pour toutes qu’ils sont trop pas doués, et de revenir en arrière. Pendant qu’on tente de leur remettre les rênes dans les mains, ils nous montrent des plaies à vif sur le dos d’une jument et expliquent que ce sont des loups qui l’ont mordue cet hiver. Notre premier réflexe serait d’attribuer ces plaies à leurs mauvais traitements – ils montent les chevaux à cru pour commencer, et les font avancer à la baguette –, mais ça assombrit encore le tableau : qu’est-ce qu’on fait dans cet endroit pourri ? Quand ils ont enfin compris qu’on ne les suivait pas, ils se mettent à nous demander de la vodka, ou de l’argent, mi-suppliants, mi-menaçants. Bref, c’est avec une impression bien pénible qu’on les quitte d’un coup, un peu déboussolés, presque en courant, nous retournant de temps en temps pour être sûr qu’ils ne retournent pas vers nous avec des intentions plus ou moins bonnes…

Bon, on en a assez pour aujourd’hui : on décide de retourner vers Bar Skoon pour y passer la nuit. Il est seize heures. Il nous faut marcher une bonne heure pour revenir au village. Comme on est un peu bêtes, on ne sort le Lonely Planet qu’à l’entrée du village pour s’apercevoir qu’il n’y a pas d’hôtel à Barskoon, alors que le village de Tamga, quelques kilomètres plus loin, est plus touristique. Et nous aurions pu aller à Tamga à partir de l’endroit où nous faisions du stop (enfin, ça aurait été plus long que d’aller à Barskoon)… Donc c’est la looze. On commence à se demander où on dormira cette nuit. De vive vue, le village de Barskoon n’est pas plus pittoresque ou touristique que ce qu’annonce le guide : un bout de route goudronnée fait un grand S… et c’est la fin du village, il n’y a que de toutes petite rue qui partent de la route vers les champs. Un espoir tout de même : le guide annonce qu’il y a dans le village un Sheperd’s way trekking, c’est-à-dire un camp de base pour des randonnées à cheval. Pour trouver l’adresse on se renseigne dans une épicerie, où un jeune homme nous donne des indications très précises (et nous n’aurions jamais trouvé sans indications !). En sortant on se fait accoster par deux gars un peu bizarres qui bégayent en riant de façon mécanique, et nous demandent de l’argent pour boire. On ne comprend pas : est-ce l’alcool qui fait des ravages dans le coin ? Ca fait un peu trop de gens pas très nets rencontrés en quelques heures…

Apercevoir le portail pimpant du Sheperd’s way trekking est un énorme soulagement, surtout quand un chien se précipite vers nous en remuant la queue : nous n’étions pas sûrs de trouver du monde à cet saison. Une jeune femme blonde, Vicky, vient à notre rencontre. Elle est anglaise, pas besoin de parler russe ! Avec son compagnon Rash, et un ami russe, ils font des travaux dans leur propriété pendant la saison creuse. Ils ont toute la place pour nous loger : nous pouvons choisir une chambre avec balcon et vue sur les montagnes, et des tapis sur les mur, dans le joli chalet où ils accueillent les touristes. Ouf, ça fait du bien après nos petites mésaventures de l’après-midi ! En plus Vicky nous dit assez vite que Rash peut nous conduire à l’endroit où on veut le lendemain, donc on est complètement soulagés, et on peut pleinement profiter de l’instant. Surtout quand elle sort sa confiture de cassis et son pain maisons, avec un peu de thé vert, la vie est vraiment belle ! On discute un peu autour du thé : c’est une passionnée de chevaux, une grande fille blonde très sympathique qui aime les “horses with personality”, ceux qui n’ont pas forcément un caractère facile. Elle avait commencé une formation de vétérinaire en Angleterre, mais est partie au Kirghistan s’occuper de chevaux et n’est jamais rentrée… Du coup elle monte un projet pour faire venir des vétos britanniques pour former les vétérinaires kirghizes.

On la laisse un peu tranquille pendant qu’elle prépare le repas. Les toilettes sont au fond du jardin, et pour y arriver je dois négocier avec le vieux chien de la maison qui est très câlin : il se met pile devant moi et gémit lamentablement en se frottant contre moi, jusqu’à ce que je le caresse. Au bout d’une minute de caresses je décide qu’il a eu sa dose, et il me laisse avancer d’un mètre… avant de se remettre devant moi et de gémir de plus belle ! On recommence ainsi, mètre par mètre…

Nous mangeons avec nos hôtes, un succulent plat de pommes de terre au chou rouge accompagné d’une salade de concombres. Et on boit du thé, bien sûr (personne ne boit d’eau à table, la boisson la plus courante est de loin le thé). Après le repas nous restons encore discuter un peu avec Vicky : ses deux compagnons sont plutôt taciturnes, et ça doit la changer de parler avec nous ! Elle nous raconte les différentes randonnées qu’ils font avec Sheperd’s way. Les traversées d’un mois jusqu’à la frontière chinoise nous font rêver… Puis on va se coucher : Gaël est un peu malade et fiévreux, il est temps de se reposer.

Vendredi 30 mai : vers la Jokuu

Rash a donc accepté de nous conduire au pied de notre randonnée sur la route de Kumtor, au prix standard de 15 soms le kilomètre. Il a une lada niva, ce qui est un peu la Rolls Royce de la région (malgré toutes les blagues qu’on peut faire sur les Ladas en France, ici c’est vraiment la voiture idéale : c’est le véhicule tout terrain qu’on peut faire réparer partout).

Avant de partir, Vicky essaye de réparer une couture du sac de Gaël qui est en train de se défaire, ce qui l’inquiète beaucoup. Bon, on va voir comment ça tient…

On commence par aller chercher de l’essence, dans une arrière-cour à laquelle on accède par une allée poussiéreuse jonchée d’ornières. Le “camion scolaire” est justement en train de prendre de l’essence : les gamins sont entassés dans sa benne et gesticulent dans un beau tapage.

La route de la mine est extrêmement pittoresque, une tranchée entre des montagnes grandioses. Rash n’est pas très bavard mais ce n’est pas grave, on admire le paysage. Avec ses cheveux noirs longs dans le cou, ses traits puissants et sa bouche fine où flotte toujours un léger sourire, il ressemble à un indien Navajo. Il connaît très bien la rando que nous voulons faire, et nous donne quelques conseils pour trouver le chemin en nous déposant.

Djuku pass

Pour arriver à la vallée de la Juku, il faut d’abord passer un col à 3800 m : nous ne savons pas encore si nous y arriverons aujourd’hui ou demain. Le début monte sec, on remonte une vallée aride et caillouteuse. Les pans de montagne qui tombent à pic ont des couleurs magnifiques : roches rouges, pierriers presque violets, vert des herbes rases, le tout sous un ciel d’un bleu implacable. Il y a beaucoup de chevaux et de vaches. Nous pique-niquons en regardant le manège de deux chevaux rivaux : le plus jeune semble avoir irrité le plus vieux qui le poursuit pour se battre, mais il est maintenu à distance par les ruades du jeune. Ils virevoltent dans la montagne jusqu’à être lassés de ce curieux ballet.

Le chemin est très bien tracé et il n’y a pas de neige de notre côté : on décide de passer le col aujourd’hui. Plusieurs cols ont l’air possibles pour traverser la barrière de montagnes, mais avec la carte on repère assez vite le bon. La fin monte en pente douce : c’est un vrai plaisir de voir le paysage apparaître lentement de l’autre côté. Au col le sol est un peu spongieux, sillonné d’une multitude de petits ruisseaux. Quelques plaques de neige, mais rien de bien méchant. Curieusement, la rivière qui descend du col est trouble, on prend donc de l’eau un peu plus loin à un ruisseau venant d’un glacier. Comme il se fait tard, on pose le camp près d’une énorme pierre qui nous abritera du vent. Le ruisseau voisin nous sert de frigo pour faire prendre l’instant pudding au chocolat qui améliore notre ordinaire ! Ce soir nous dormons à 3400m d’altitude, mais la nuit n’est pas trop fraîche (avec une bonne tente et des vêtements chauds…).

Samedi 31 mai : vallée de la Joku

Djuku

Je me réveille avec de la fièvre, mal à la gorge et aux articulations, comme Gaël il y a deux jours. Bon, on va y aller doucement. Pour rejoindre la longue vallée de la Joku, on commence par perdre pas mal d’altitude pour arriver à un Y où la rivière naît : c’est le début de la vallée. Il y a un nombre incroyable de marmottes. Seuls leurs sifflements rompent parfois le grand calme de la vallée. Quelques chevaux broutent paisiblement dans un pli de la vallée. Le temps est magnifique, c’est une superbe vallée sauvage qui s’offre à nous.

On fait beaucoup de pauses pour que je ne me fatigue pas trop. Je fais même une courte sieste à un moment ! On décide de faire une journée pas trop longue. De toute façon, il se met à pleuvoir brusquement, ce qui calme nos ardeurs… La montagne devant nous prend des allures fantômatiques derrière le rideau de pluie qui ne révèle que ses pics les plus acérés. Des bancs de brume commencent à lécher les sommets, puis descendent vite. On cherche un abri dans un bouquet d’arbres près de la rivière, et on trouve un endroit presque idéal, dans une petite élévation au-dessus de deux ruisseaux, au coeur des arbres pour nous protéger du vent vigoureux. Je me couche pour récupérer un peu, Gaël part se balader.

yourte yourte

Je me réveille quand il rentre un peu plus tard : il a rencontré une famille de nomades qui ont leur yourte juste à côté, et nous invitent à leur rendre visite. Le père passe très droit sur son grand cheval blanc, avec ses deux jeunes enfants en croupe, très mignons. Nous les rejoignons à la yourte. Assis sur un tronc, le père fume tranquillement une pipe près de l’enclos des vaches, un court moment de détente avant d’aller rassembler les vaches pour la traite. Sa petite fille nous regarde avec des grands yeux timides, sans vraiment oser s’approcher. Son frère aîné n’a pas l’air impressionné par contre ! Le père parle très bien russe, et nous explique comment il s’occupe de deux petits agneaux noirs qui viennent de naître. Les deux sont attachés près de nous : si l’un deux se blottit tranquillement au chaud dans un tas de tissus bien chauds – les oreilles dépassent à peine ! –, l’autre tire sur sa corde et bêle furieusement, cabré autant qu’il peut sur ses toutes petites pattes. L’homme les libère, ils bondissent vers le troupeau dans un concert de bêlements pour aller têter longuement leur mère. Pendant qu’il part rassembler ses vaches, il nous invite à aller prendre le thé dans la yourte. Son épouse, une jolie jeune femme au visage très doux, nous offre du yaourt délicieux, et un excellent pain nan que nous trempons dans une sorte de crème fraîche, entre la crème et le beurre : tout cela est simple mais succulent. Ca a l’air d’être leur repas habituel. Nous avons apporté des raisins secs et une tablette de chocolat que les gamins dévorent, mais ce n’est pas grand chose. Notre hôtesse sourit timidement, nous discutons un peu. Nous finissons par comprendre que nous l’empêchons d’aller traire les vaches, mais qu’elle n’ose rien dire par politesse. Nous partons donc en la remerciant. Il se met à pleuvoir violemment peu après : comme nous avons déjà pas mal mangé dans la yourte, Gaël cuisine juste un peu de semoule (pendant que je suis à l’abri dans la tente !), que nous mangeons dans la tente.

Dimanche 1er juin : sortie de la vallée de la Joku

Une famille Kyrgyz Un bébé Kyrgyz

Ce matin ma fièvre est passée et je vais beaucoup mieux. Malgré la pluie de la nuit, il fait maintenant très beau. Nous décidons de faire une rando sur la journée pour aller voir des lacs en altitude, pendant que la tente séchera au camp. On s’avance donc un peu dans la vallée, puis on commence à monter dans une vallée perpendiculaire, mais on se rend compte au bout d’un certain temps qu’on s’est trompés de position sur la carte, et qu’on s’est avancés pour rien : c’est en fait directement près du camp qu’il aurait fallu monter. Un peu dépités, on décide de rentrer au camp et de repartir avec la tente. Sur le chemin du retour, on rencontre deux hommes qui travaillent dans la forêt : ils refont un pont sur la rivière. Ils nous invitent à venir prendre le thé dans leur yourte voisine à l’occasion de leur casse-croûte de midi. Ce campement est plus riche que celui de nos hôtes de la veille : ces nomades ont à la fois une grande tente, et une très grande yourte bien meublée, avec de beaux tissus à l’intérieur. En plus des deux hommes, nous voyons deux femmes et quatre enfants, dont un bébé qui dort sur une pile de petits tapis. Pour le déjeuner, il y a un pain nan énorme, de la confiture de cassis délicieuse, de la crème, et du tchai bien chaud qui est un délice pour ma gorge un peu enflammée. La chaleur légèrement humide qui règne dans la yourte est bien agréable ! Nous mangeons aussi un plat non identifié à la consistance légèrement grumeleuse, inhabituel mais bon. Nous discutons un peu avec nos hôtes : ce sont de riches éleveurs qui possèdent encore une autre yourte, et une maison en ville. C’est un grand moment quand Gaël essaye d’expliquer en russe en quoi consiste mon travail et ce que peut bien faire un ingénieur de recherche…

Nous repartons au camp pour démonter la tente, et nous repartons dans la vallée. Le terrain est facile, on avance bien. Mais le ciel se couvre beaucoup. On croise un petit père sur son cheval, emmitouflé dans un grand duffle coat. Il nous demande de la vodka d’un air rigolard. Mais nous n’en avons pas ! Il se met tout à coup à pleuvoir des trombes : on prend rapidement congé et on marche vite ! Heureusement, ça ne dure pas trop longtemps. Gaël a un peu mal au dos, donc on fait de fréquentes pauses pique-nique dans l’après-midi. La vallée s’ouvre de plus en plus, nous rejoignons des zones plus habitées par les nomades. Il commence à être temps de songer à camper. Près d’une yourte, deux gros chiens se mettent à courir très vite dans notre direction, on décampe sans s’affoler, mais quand même bien vite. Pas très agréable…

Nous apercevons un endroit qui serait bien pour camper, près d’une petite rivière qui descend de la montagne, mais l’endroit est déjà occupé par une fête de joyeux kirghizes. Tant pis, on continue, mais on est hélés par une femme qui nous convainc de prendre au moins le thé. Il y a là une dizaine d’adultes et une nombreuse marmaille. On nous explique que c’est la fête des enfants – la version non officielle qu’on ne tarde pas à nous donner est qu’il s’agit de la fête du plaisir à faire des enfants ! Tous sont vendeurs ou artisans au bazaar de Kizil Suu. Ils ont tué un mouton dont la viande a longuement mijoté avec des pommes de terre. En attendant ce plat, on nous sert du bon thé chaud avec du lait, et des salades. Les gens sont extrêmement gentils, rient beaucoup et nous parlent comme si on se connaissait depuis toujours. Ils nous servent généreusement en mouton et patates, ça change de nos éternelles pâtes ! Les adolescentes du groupe nous font signer des autographes, on procède donc à une séance d’écriture en cyrillique. Un tout petit garçon fait bien rire tout le monde en essayant mes grosses chaussures de marche. Les commentaires sur le fait que je n’aie pas d’enfant à mon âge sont un peu énervants, même s’ils ne pensent pas à mal, c’est culturel, par contre ils sont très impressionnés que je soie ingénieur !

La dame qui nous a convaincu de venir manger avec eux – je n’ai malheureusement pas compris ou retenu son prénom – est un vrai personnage : c’est la doyenne du groupe, qu’elle préside naturellement grâce à un charisme certain. Elle porte un grand chapeau, éclate de rire tout le temps… Elle insiste pour que nous ne campions pas cette nuit, mais que nous allions plutôt dormir chez elle quand la joyeuse compagnie repartira. On hésite un peu, alors elle explique à Gaël avec de grands gestes qu’une jeune femme doit dormir dans un lit bien confortable, et pas dans une tente où on se cogne partout ! Hilarité des autres, bien sûr… On accepte, du coup on peut profiter du reste du repas sans devoir repartir et chercher un camp. Tout le monde est de plus en plus gai au fur et à mesure que la bière et le kvas circulent. Un rigolo avec un béret crânement enfoncé sur le crâne nous explique qu’il est appelé “dva zhina”, “deux femmes” en russe, en prenant dans ses bras sa femme et la soeur de celle-ci. Les autres se moquent gentiment du vantard, connu pour ses fanfaronnades. Pour la fin du repas on passe à la vodka, servie dans de petits verres. Le chauffeur de la marshrutka qui a amené tout le monde, lui, ne boit pas. En discutant avec lui, on est impressionné par sa connaissance de l’histoire de France. Dans le mouton, tout est bon : le repas se finit par une distribution d’abats et de soupe faite avec la carcasse. J’ai un peu de mal avec les abats, Gaël aussi : je mange certaines parties mais pour d’autres, je n’y arrive vraiment pas !

Il fait nuit quand on repart. La marshrutka n’est pas vraiment adaptée à la route très accidentée mais ce n’est pas grave, ça passe quand même. Le chauffeur négocie les cahots un par un, avec “dva zhina” qui sort de temps en temps pour le guider. La marshrutka est très pleine, même si d’expérience nous savons qu’elle pourrait l’être encore un petit peu plus – si, si. Gaël et moi sommes assis, avec sur les genoux des petits garçons qui essayent de se disputer un peu pour s’occuper, mais s’endorment très vite ! Les gens commencent à chanter. La chef en particulier chante très bien, d’une voix bien timbrée et légèrement plaintive, et les autres reprennent, les uns sur un ton comique, les autres avec émotion. On arrive dans le village de Kizil Suu. Une épicerie est encore ouverte sur la grand route, Gaël descend avec quelques uns des hommes et leur achète du schnaps, de la bière et du saucisson. On arrive à l’appartement de la dame, dans un immeuble soviétique à deux étages. On prend le thé dans le salon, la dame commence à avoir l’air fatiguée. Devant la télé, un de ses fils, un bel adolescent boudeur, fait très attention à ne pas avoir l’air de s’intéresser à ce qui se passe autour de lui. Nous prenons quelques gâteaux avec le thé et malgré leur aspect inoffensif, je me rends compte assez vite que je suis allergique à l’un d’eux. La dame nous prépare gentiment un beau lit avec plein de tapis, on va être très bien ! Pendant que Gaël fait un brin de toilette, je m’endors très vite. Je suis réveillée par quelqu’un qui me parle, en russe évidemment. Je murmure quelques mots en espérant que la personne va réaliser que je suis très endormie, mais non, rien n’y fait. OK, une minute, je me réveille complètement, je mets mes lunettes : que se passe-t-il ? Un homme jeune a l’air tout a fait exalté se penche vers moi, il a manifestement un peu bu. Mais il a l’air très gentil, et me serre la main avec effusion. Je ne comprends que peu de choses dans son flot de paroles. Il disparaît un instant : vais-je pouvoir me rendormir ? Non, il ressort de la chambre de sa mère en tenant tout un tas de tableaux qu’il dispose par terre devant moi, assise sur mon lit improvisé. Les tableaux représentent des montagnes où courent de grands chevaux, des paysages somptueux au clair de lune (un peu kitsch), ou des motifs rupestres peints en relief sur les toiles. Certains des tableaux me plaisent bien. Sa mère engueule le peintre, lui explique que je suis fatiguée et qu’il faut me laisser dormir. Gaël revient, et commence à discuter : mon russe avait atteint ses limites depuis longtemps ! L’homme est un peintre professionnel qui souhaiterait être exposé à l’Ouest (zapat, zapat, comme il répète tout le temps). Il voudrait notre avis pour savoir si sa peinture peut plaire en Europe, et comment faire pour attirer l’attention des galeries. Pas facile… on convient de discuter plus longuement le lendemain car là on tombe de sommeil ! On s’endort, mais je me réveille plus tard avec un fort mal de ventre, conséquence de mon allergie au biscuit. Je prends un antihistaminique, mais il n’y a pas grand chose d’autre à faire que d’attendre que ça passe. Je change de lit pour aller me serrer contre Gaël qui me rassure et me réchauffe, et je ne tarde pas à me réendormir.

Lundi 2 juin : Kizil-Suu -> Bakonbaiev

Je me réveille complètement dans le coton, c’est l’allergie qui m’a épuisée. On s’attendait à devoir se lever tôt pour que la dame puisse aller au bazaar, mais en fait il ne se passe rien avant 9h au bazaar. Les horaires des commerces sont très réduits ici, ce qui est plutôt un signe de mauvaise santé économique. Nous prenons donc le petit déjeuner tranquillement avec la dame et ses deux plus jeunes fils (le peintre dort encore) : je mange beaucoup de nan et de confiture de cassis pour reprendre des forces. On mange aussi des nouilles grillées pimentées avec des restes du mouton d’hier, c’est très bon. Et bien sûr, on boit plein de tchai !

On ne repart pas tout de suite car Gaël veut faire réparer la couture de son sac. Le matamore “dva zhina” d’hier soir est cordonnier au bazaar, on a convenu de lui apporter le sac ce matin. Mais on a encore le temps pour aller au bazaar. Le fils adolescent part pour l’école avec un bel uniforme. Le fils peintre se lève, on parle de peinture et du “milieu” de l’art à Paris — et de la difficulté d’y rentrer. En plus on n’y connaît quand même pas grand chose donc c’est difficile de lui donner des conseils… Nous partons au bazaar avec la mère et le fils peintre. Les commerçants commencent à installer leurs étals, il fait déjà très chaud à 9h. Mais le cordonnier n’est pas encore arrivé. Du coup le fils peintre nous emmène nous promener un peu dans le village. On fait une séance photo souvenir avec lui, et comme il y a un magasin qui peut imprimer des photos, on donne quelques photos à imprimer. Nous proposons d’offrir les photos mais il refuse. La modernité du magasin contraste d’ailleurs curieusement avec d’autres aspects de la vie quotidienne : il n’y a par exemple pas l’eau courante dans l’appartement de la famille. Puis nous entrons dans un bar où le peintre se commande… un grand schnaps, qu’il vide d’un trait (à 9 h du matin !). Nous déclinons sa proposition de prendre aussi du schnaps, et notre désapprobation doit se lire sur notre visage car il a quand même l’air un peu gêné… Comme il n’a pas d’argent on lui paye son schnaps pour partir : il est clairement dépendant à l’alcool et on devine que sa femme et sa mère doivent contrôler l’argent qu’il a sur lui pour éviter qu’il abuse. Du coup on n’est pas très contents de s’être fait avoir comme ça… Nous retournons sur le bazaar où le cordonnier est arrivé. Il nous propose d’acheter une bouteille de bière pour rafraîchir les commerçants, et qu’il passe bientôt dans l’appartement de la dame réparer le sac de Gaël. Marché conclu : on achète la bière et on rentre à l’appartement. On voit le fils donner à sa mère le ticket de réservation des photos pour qu’elle paye plus tard… On se retrouve à nouveau dans le petit salon où nous avons dormi. Le peintre a l’alcool triste. Il sort son album photo pour nous montrer des clichés de sa jeunesse (il n’est pas vieux non plus, entre trente-cinq et quarante ans, mais il a l’air tellement fatigué…). Nous découvrons un jeune officier au corps vigoureux et au visage inspiré, photographié dans des exercices de kung-fu ou en permission avec des amis. Un portrait en noir en blanc retient particulièrement mon attention : une masse mouvementée de cheveux noirs, des traits extrêmement fins, c’est un très bel homme qui regarde fixement la caméra. Je lève les yeux : il a bien changé… ses traits se sont ramollis – l’alcool n’y est sûrement pas pour rien –, et surtout le regard a bien perdu de sa flamme. Il a laissé tomber d’un coup la carrière militaire pour se consacrer à la peinture. Mais la vie d’artiste n’est pas facile au Kirghistan : s’il est reconnu dans son pays, le marché de l’art est presque inexistant et il en réduit à peindre des toiles plus “commerciales” qui plaisent aux touristes de passage. Il parle très vite, je comprends très peu, parfois il se tourne vers moi et me parle très sérieusement plusieurs minutes de suite. Je me sens très faible à cause de l’allergie, j’ai la tête qui tourne, je voudrais qu’il parle moins vite… Il décide que Gaël ressemble à Jésus avec ses cheveux et sa barbe, et ne l’appelle plus que Iesus Christos. Par moments il a l’air de se sentir vraiment mal, nous dit que la vie ici est une prison : il est au bord de la dépression, et l’alcool est un refuge empoisonné… La mère revient du bazaar, a l’air fâchée que le cordonnier ne soit pas encore là. Elle est très gentille et prévenante, elle nous cuisine des oeufs pour midi, et je mange plein de tartines de confiture. Puis je m’endors, épuisée.

Le cordonnier “dva zhina” vient enfin, et fait une réparation bien solide au sac de Gaël : il connaît visiblement bien son boulot. Il faut qu’on se dépêche de partir pour aller prendre la seule marshrutka de l’après-midi en direction de l’ouest. Gaël donne 500 soms à la dame pour la remercier de son hébergement : elle commence par refuser, nous disant qu’elle nous a accueillis juste parce qu’on est sympas, mais Gaël lui dit que ça pourra aider à financer une autre fête avec les rigolos du bazaar. Pendant ce temps je discute avec le peintre en essayant de l’occuper pour qu’il ne voie pas que sa mère a de l’argent : vu comme il est en manque d’alcool, il doit tout le temps lui demander de l’argent… Il nous accompagne pour nous montrer l’arrêt de la marshrutka, et réussit à nous soutirer 20 soms avant de partir. On a un peu honte de céder, sans trop savoir quoi faire. L’accueil de la dame était absolument génial, rencontrer des gens comme ça est une très belle expérience, par contre le fils était un peu fatigant à la fin. Mais on ne peut pas trop lui en vouloir : ravagé par l’ennui et l’alcool, il n’en restait pas moins gentil et intéressant.

On the road again! La marshrutka peut nous emmener jusqu’à Bakonbaiev, une autre petite ville, où nous descendons dans l’hôtel de la ville, tenu par un employé de la gare routière et sa femme (il faut donc demander à la gare pour trouver l’hôtel !). Vassilia, notre hôtesse, nous donne une jolie petite chambre toute propre, c’est agréable de se reposer un peu. Mais il n’y a pas l’eau courante ici non plus, seulement une pompe dans le jardin. Il faut maintenant qu’on décide où on fait notre prochaine et dernière rando. Il y a plusieurs options, la plus tranquille consisterait à aller au lac Song Kul, un lac d’altitude sur un haut plateau à 3000m où se trouvent beaucoup de nomades. Mais Gaël trouve que les paysages ressemblent plus à des collines qu’à de vraies montagnes, du coup ça ne le tente pas du tout. On sort les cartes pour réfléchir à une autre destination, mais on est fatigués et on a beaucoup de mal à prendre des décisions. Une tablette de chocolat est engloutie d’un coup, ça nous redonne un peu d’énergie. Parmi les destinations possibles, l’une d’entre elles est particulièrement tentante. Il s’agit de se faire déposer au beau milieu de nulle part, un peu au sud du parc national d’Ala Tau, et de traverser le parc national pour se retrouver près de Bishkek. Rentrer à Bishkek en traversant les montagnes, c’est tentant ! Le problème est qu’à part un gros trait rouge indiquant des itinéraires de randonnée sur la carte à plus grande échelle (qui couvre toute l’Asie centrale !), on n’a pas plus de précision sur la faisabilité de la rando. Les cartes plus précises qu’on a montrent qu’il y a une difficulté principale : un col à 3900 m avec une approche très escarpée. On ne peut atteindre ce col qu’après un jour de marche et demi, si ça ne passe pas on aura tout juste le temps de revenir en arrière et de négocier un transport jusqu’à Bishkek. C’est un peu risqué, mais on décide de tenter le coup. Ranimés par cette décision, nous sortons manger. Bakonbaiev est comme Kizil Suu, un petit village où il ne se passe pas grand chose. Les quelques commerces sont regroupés sur la grand route. Le bazaar est fini et il n’y a presque personne dans les rues, ça donne une impression bizarre. Il y a deux cafés d’ouvert, nous en choisissons un où nous mangeons du lagman et des mantis, le tout arrosé de bière bien sûr. Un groupe de plusieurs familles arrive et commande à manger en sortant plusieurs bouteilles de schnaps de leurs sacs. La serveuse a froid, elle frissonne devant la fenêtre comme si elle attendait quelque chose, mais reste en T-shirt dans se couvrir.

En rentrant à l’hôtel nous croisons un homme légèrement bourré qui est tout content car sa femme a eu un enfant, une petite fille – et il a dignement fêté ça au schnaps. Il est accompagné de deux gamins, dont un petit garçon sur une bicyclette rouge aussi haute que lui ! Il nous propose de venir manger avec sa famille pour fêter cette naissance. C’est très gentil, mais nous avons eu suffisamment d’émotions pour la journée ! L’homme est visiblement déçu qu’on ne puisse pas lui donner les photos qu’on prend de lui et ses enfants : un polaroid doit faire beaucoup d’heureux dans ce pays !

Mardi 3 juin : Bakonbaiev -> Kotchkor -> ??

Ce matin on reprend la marshrutka pour Baliki, et on peut même s’asseoir ! Notre voyage jusqu’au pied de la rando se fera en au moins trois étapes, on croise les doigts pour que tout s’enchaîne bien et que le voyage ne nous prenne pas trop de temps (sinon on devra marcher plus vite pour rentrer à Bishkek !). Arrivés à Baliki on a de la chance de trouver une marshrutka qui part bientôt pour Naryn et passe donc par Kotchkor où on veut aller. Heureusement on ne se laisse pas arrêter pas les dénégations des chauffeurs de taxi qui affirment mordicus qu’il n’y a pas de marshrutka pour Kotchkor… ils perdent un peu contenance quand même quand on arrive juste à côté de la marshrutka en question… Le chauffeur balance nos sacs dans le coffre, et une femme imposante sort de la marshrutka en râlant très fort car il a mis nos sacs au-dessus de ses sacs de pain qui vont être écrasés. Le chauffeur arrange ça, on se dit qu’elle n’a pas l’air très commode… Mais quand la marshrutka démarre on est assis à côté d’elle, et elle très sympa et discute pas mal avec nous. Elle a appris pas mal de choses sur la France à l’école, nous parle de la Sorbonne ou de la tour Eiffel…

La route jusqu’à Kotchkor est fort pittoresque, on traverse des montagnes très rouges et arides. Nous arrivons à Kotchkor à midi, jusqu’ici on est allés plus vite que nos plans les plus optimistes. On déjeune dans la petit bazaar dans une petite échoppe où on prend du plov et du tchai. On compète aussi nos provisions avec un très beau nan et une livre de cerises qui nous font très envie.

Il faut maintenant trouver un taxi qui accepte de nous conduire à l’endroit bizarre où on veut aller. On va s’asseoir stratégiquement pas loin des taxis pour étudier nos cartes, en attendant qu’ils nous tombent dessus, ce qui ne tarde guère ! La course qu’on voudrait est difficile, elle prend une route avec un col très haut. Certains chauffeurs renoncent tout de suite, d’autres discutent entre eux si c’est possible. Nous on regarde, assez amusés. Je vais acheter une glace. Les chauffeurs étalent la carte sur le chariot de la petite vendeuse qui finit par s’énerver et les chasser. Un des chauffeurs sait bien lire les cartes (c’est loin d’être le cas de tous). Il propose de nous conduire jusqu’à la fin de la route praticable en véhicule normal (non 4x4) mais pas jusqu’au bout. Certains suggèrent qu’on fasse le reste en louant des chevaux aux gens sur place. Si on avait le temps, ce serait l’option la plus pratique, mais là on ne peut pas. On suggère qu’il faut une 4x4. Le chauffeur le plus dégourdi par avec son taxi à la recherche d’une 4x4. Il revient en 4x4 avec le propriétaire de la voiture, un homme solide à l’air sérieux. A nouveau, on sort la carte et c’est l’attroupement autour de nous. Le chauffeur de la 4x4 nous propose une variante pour l’itinéraire : plutôt que de prendre le chemin le plus court, qui est une très mauvaise route, on peut prendre une route en meilleur état, puis revenir en arrière sur la mauvaise route à un croisement. C’est plus long, mais sûrement plus raisonnable aussi : ça évite notamment de passer par le col en altitude. On se met d’accord sur le prix : 15 som au kilomètre. Mais alors qu’on va partir, ils nous disent que c’est en comptant les kilomètres aller+retour : dans ce cas-là, on n’a pas assez d’argent. Ca nous semble d’ailleurs curieux car d’habitude les chauffeur ne comptent que les kilomètre de l’aller. On leur dit donc qu’il nous reste seulement 150 dollars, et qu’on ne peut leur donner que ça (il nous reste à peine plus en effet !). Heureusement ça leur va. On commence par changer 50 dollars à la banque pour prendre de l’essence. Jusqu’ici le chauffeur qui a cherché la 4x4 était resté avec nous, mais il reste à Kotchkor : il aura sûrement une petite commission sur la course.

Djuku

C’est parti pour 250 km, on pense en avoir au moins pour quatre heures. La voiture est tout à fait adaptée au trajet, une 4x4 bien haute de fabrication chinoise. On roule pendant une heure et demi sur une route en terre, sans traverser le moindre village. Au Sud se trouvent les montagnes qui encerclent Song Kul : c’est très beau, même Gaël le reconnaît : si le relief n’est pas très alpin, les vallonnements se succèdent dans un ensemble très esthétique, et les couleurs des montagnes sont très belles, avec des nuances de verts, bleus et bruns très variées. On commence à croiser quelques yourtes, puis on traverse quelques tout petits villages. En dehors des murs des villages se trouve toujours un petit cimetière. Ces cimetières sont très beaux et émouvants, une collection de petits mausolées en terre cuite qui ressemble à une ville en miniature. Le paysage change au fur et à mesure qu’on avance, devient plus aride, les pentes herbeuses deviennent des pierriers sur les flancs des montagnes. On rejoint le canyon tracé par une rivière tumultueuse. La roche est d’un rouge profond, la rivière blanche à force de remous (celle-là, on ne la traverse pas à pied !). On arrive au croisement où la bonne route que nous avons suivie jusqu’ici continue, et où il faut bifurquer pour prendre une route moins carrossable. Notre chauffeur sait très bien où aller, il connaît bien le coin. Nous comptons les rivières sur la carte pour être sûrs de l’endroit où s’arrêter. La route passe bien avec le 4x4. Il y a quelques yourtes et même des maisons dans la vallée où nous nous engageons, et des troupeaux de chevaux. Le pont qui était notre repère sur la carte est bien là où on l’attendait, on s’arrête là ! On paye le chauffeur puis on lui dit au revoir : encore quelqu’un qu’on a été heureux de croiser, à la fois compétent et sympathique.

On s’écarte un peu de la petite route pour camper. Les montagnes au sud sont superbes dans la lumière rasante qui vient lécher les glaciers, et projeter des ombres veloutées au creux des vallonnements.Il y a plein de petits insectes dans les hautes herbes, du coup on avance vite. On fait un ou deux kilomètres puis on pose le camp, tout heureux d’être arrivés aussi vite au pied des montagnes. Aujourd’hui on a le droit à une entrée, une sauce au vin qui est engloutie avec du nan, puis à des pâtes instantanées qui disparaissent aussi vite. La vallée est très jolie, il y a plein d’oiseaux jaunes et rouges avec des aigrettes colorées et une grande queue, nous n’en avions jamais vu de tels auparavant.

Mercredi 4 juin : remontée dans la vallée

Nous avons posé notre camp du côté gauche (ouest) de la rivière, en suivant le chemin indiqué par la carte. D’ailleurs le chemin est très bon et large, ce qui est bon signe. Cependant, on voit que le chemin traverse la rivière cinq kilomètres plus loin, et ça nous ennuie un peu de ne pas savoir s’il y a un pont ou non : il a pas mal plu ces derniers temps et la rivière est rapide et profonde, si on doit passer à gué ça ne va pas être facile. Comme il y avait un pont à l’endroit où le chauffeur nous a déposé hier, on décide de rebrousser chemin et de partir de l’autre côté de la rivière.

C’est la solution la plus prudente, mais ce n’est pas très agréable car le chemin est beaucoup moins bon du côté est, ou plutôt, il n’y a pas vraiment de chemin, juste des traces d’animaux. On avance dans des grandes herbes où on enfonce beaucoup sans voir où on met les pieds, on passe notre temps à descendre, monter puis redescendre pour trouver le meilleur passage… Du coup on avance lentement, ce qui est un peu embêtant car aujourd’hui il faut qu’on s’approche le plus près possible du col. On continue notre avancée dans la brousse, sans machette hélas. Il fait un temps magnifique. Les collines autour de nous n’ont rien d’extraordinaire mais offrent un décor tout à fait plaisant. Il y a très peu d’animaux, contrairement aux autres endroits où nous avons marché, juste un troupeau de chevaux qui vient boire à la rivière, mais reste près de la vallée habitée. On se met à faire des blagues sur les loups pour expliquer ce manque d’animaux…

Soudain on aperçoit le pont sur la rivière, un peu plus loin d’ailleurs que l’endroit où la carte fait traverser le chemin. Bon, on a perdu du temps, mais on n’avait pas vraiment le choix. C’est bon à savoir pour les prochains randonneurs : il y a bien un pont… La bonne nouvelle est qu’on récupère un chemin meilleur. C’est même presque une route, avec des pavés en pierre sur une bonne largeur, ça fait penser à une voie romaine. Mais la route ne doit pas être très utilisée, et dans les creux elle disparaît sous les herbes hautes. Mais on réussit toujours à la retrouver grâce aux talents de pisteur de Gaël. Une fois qu’on a pris un peu de hauteur il y a moins de grandes herbes et il n’y a plus de difficultés pour suivre la route. Elle continue à être aussi large et bien pavée, on se demande vraiment de quelle époque elle date. Et on se dit que si une telle route existe, ça doit bien passer au col… Le chemin monte, mais doucement. On fait un premier pique-nique, abrités dans une ondulation de la pente. Au deuxième Y de la vallée on part à gauche dans les montagnes, en suivant toujours l’autoroute comme on l’appelle maintenant. On trouve une hache plantée dans la terre du chemin, sûrement là depuis des années, mais on oublie de la prendre : tant pis, on ne jouera pas avec les loups… La vallée où nous montons maintenant s’ouvre sur un grand cirque montagneux. L’herbe se raréfie, les pentes sont rocheuses avec pas mal de neige. Tout au fond on devine l’endroit où doit être le col, mais il n’est pas possible de le repérer précisément. On cherche un camp alors qu’il reste encore un peu d’herbe : ce n’est pas très agréable de camper dans un pierrier ! La vallée est étroite et en pente, on trouve un terrain à peu près plat entre deux branches de la rivière. Gaël va faire une petite reconnaissance en direction du col, et je m’offre le luxe d’une lessive et de me laver rapidement dans la rivière. Pour dîner nous avons une sauce à l’oignon, un lyophilisé de pasta milanese et un instant pudding que nous avons fait prendre dans la neige : un vrai festin ! Mais on en a besoin, demain c’est le col…

Jeudi 5 juin : passage du col

C’est le grand jour et les loups ne nous ont pas mangés. On part vite pour en découdre avec le col. Le temps est encore superbe : une bonne météo pour un passage de col ! On peut encore suivre la grande route qui disparaît parfois sous de grandes plaques de neige. Il faut alors deviner par où passent ses lacets pour la retrouver, jeu auquel Gaël excelle. Le terrain devient alpin, des pentes de pierres et de grandes étendues de neige. Un peu au-dessous de nous se trouve un lac gelé d’un turquoise magnifique. Le paysage est très beau, mais aussi un peu hostile : de la pierre et de la glace à perte de vue. Nous progressons maintenant sur une grande pente de neige dure. Il faut faire très attention à ne pas glisser, ce n’est pas sûr qu’on pourrait s’arrêter avant le lac. Par contre on n’enfonce pas dans la neige, heureusement. On avance ainsi dans une alternance de pierriers et de neige : ça avance bien. On arrive à un petit replat entouré de parois rocheuses bien verticales : par où va-t-on passer ? On finit par deviner que la route doit suivre la base d’un de ces murs rocheux avant de grimper à un endroit un peu moins haut que le reste, donc on y va. Ca correspond en gros à la carte (nous n’avons pas de carte très précise, seulement une 1/200000). La montée est rude dans le pierriers et la neige, ça monte très sec, ça glisse aussi et je m’essouffle. Un petit peu avant la fin de la montée Gaël monte rapidement au col et redescend me prendre mon sac, et c’est beaucoup plus facile pour finir ! Il me dit galamment qu’il aime bien faire deux fois les cols.

La montée n’a pas été très agréable, mais au col il ne fait pas trop froid et on peut même pique-niquer. Un poteau nous indique qu’on est bien au bon endroit, et il y a même une pelle pour dégager la corniche de neige qui empêche de passer de l’autre côté (nous n’en aurons pas besoin, il y a déjà un trou dans la corniche). Le paysage qui s’offre à nous est un très large cirque glaciaire, c’est très beau et beaucoup plus serein que l’endroit d’où on vient. On devine le début de la gorge qui va nous ramener vers Bishkek. Le début de la descente est un vrai plaisir : la pente est recouverte de neige, et s’il y a quelques passages un peu raides au début, après on peut courir ou faire des glissades contrôlées dans une neige juste assez molle pour qu’on y enfonce les talons, mais pas plus. On se croirait aux sports d’hiver : on descend ainsi une longue pente à toute vitesse, c’est assez génial.

Nous arrivons à une combe barrée par un lac gelé : ça se complique un peu pour avancer. Intimidés par les pierriers qui semblent raide sur le côté gauche, on choisit de passer par les pentes de neige sur le côté droit. Vu de plus près c’était clairement la mauvaise option, les pentes sont très raides, à certains endroits on manque glisser sur la neige très dure, le plus souvent on enfonce jusqu’à mi-cuisse et c’est très dur d’avancer. En plus on se refroidit vite à force de barboter dans la neige : heureusement j’ai gardé mon coupe-vent et mes gants. Je manque glisser une ou deux fois : au-dessus du lac gelé, ce n’est pas très rassurant. Ouf, on arrive à dépasser le lac. Après il y a encore une grande pente neigeuse à traverser pour rejoindre les pierriers. Ca glisse terriblement et j’ai beaucoup de mal à avancer. Après une glissade de plusieurs mètres je m’aperçois que je contrôle pas mal ma trajectoire avec les pieds, et je descends toute la pente en une grande glissade sur mon sac… Gaël décide alors de descendre en courant et en enfonçant les talons, ce que je n’arrivais pas à faire. On a descendu cette pente plus vite que prévu… Plus loin il y a encore des pierriers et de petites bouts de neige mais l’essentiel des difficultés est passé : il y a même un peu d’herbe ! Heureusement car on commençait à en avoir un peu assez de la neige…

Nous arrivons au début de la vallée d’Ala Archa. Il y a une route de l’autre côté (est) de la vallée, mais juste à côté de nous il y a aussi une route qui ressemble fort à notre grand route de l’autre côté des montagnes. On décide donc de la suivre. A un moment il n’y a plus de route, car toute une pente s’est effondrée. Il faut désescalader une petite pente neigeuse et aller reprendre la route dans le lit d’un ruisseau. Ca fait une difficulté de plus, et on est un peu fatigués… La randonnées est tout à fait faisable, mais on a compris aujourd’hui pourquoi les groupes ne passent pas par cet endroit, c’est quand même dur ! Un vieux chasse-neige abandonné dans un amoncellement de pierres donne une image de fin du monde.

Dans le fond de la vallée nous apercevons le bassin verdoyant d’une rivière sinueuse… et deux tentes, juste là où on voudrait camper. On voit d’ailleurs une personne se diriger vers nous. A son équipement (gore-tex marmott, bâtons de marche) on le pense américain, mais non, Ivan est russe. C’est un alpiniste professionnel (sponsorisé par Marmott, d’où l’équipement) qui est venu se balader quelques jours dans la montagne avec sa famille et des amis. Il les a laissés au camp et gambade dans la montagne à la recherche de belles photos. Il est très sympa, avec un énorme sourire, et nous invite à venir prendre le tchai dans leur tente.

Nous arrivons au camp, situé près d’une ancienne station météo russe, dont les instruments sont restés plantés comme des dards sur le sol de la vallée. A cet endroit le terrain est très plat et la rivière fait de jolis méandres : c’est un paysage très doux qui contraste avec les montagnes de glace et de pierre que nous quittons.

Les Russes sont sympas et rigolos. Ils nous font bien rire avec leurs coussins qu’ils tiennent autour de la taille avec un élastique pour s’asseoir confortablement dès qu’ils le veulent. Ils insistent pour nous nourrir, et leur provisions sont appétissantes : oignons cru et saucisson fumé excellent, fruits secs et bonbons pour l’apéritif, puis une soupe à l’avoine et au porc très bonne. Je vais me coucher tout de suite après le repas car je suis crevée : la journée a été rude et je recommence à avoir de la fièvre.

Vendredi 6 juin : parc Ala-Archa

Il a plu toute la nuit et on ne se presse pas de partir. Les Russes partent faire une balade à la journée. On décide d’aller faire une petite balade dans une petite vallée pour débuter la journée, mais mal nous en prend : on part assez loin avant de se rendre compte que le temps se dégrade vraiment. Nous voyons un rideau de pluie arriver bien vite, et le temps de se décider à revenir en arrière on est déjà complètement trempés. La pluie est très violente, presque de la grêle par moments. On rentre à la tente presque en courant. Une fois arrivés on s’engouffre dans la tente, on se change un peu et on attend que ça passe. Heureusement la pluie ne dure pas trop longtemps et on peut sortir sécher. Après avoir englouti une tablette de chocolat pour se donner du courage, on part pour du bon. On refait exactement le même chemin que le matin, mais sous une lumière différente puisqu’il fait maintenant assez beau. Le passage d’une rivière se révèle assez délicat : il n’y a pas de pont et la rivière est gonflée par les orages successifs. On essaye de passer à un endroit où la rivière se divise en plusieurs branches : la première branche se traverse assez bien mais après on se retrouve devant un torrent qui nous embête bien : l’eau est soit profonde soit rapide (et souvent les deux), avec beaucoup de courant. On finit par remarquer une planche qui traîne dans l’eau d’une rive à l’autre, mais n’est pas très engageante pour autant car beaucoup d’eau passe au-dessus et ça doit être à peu près impossible d’avancer dessus avec le courant dans les chevilles, sans parler des risques de glisser. Il y a quand même trois ou quatre mètres à traverser. Gaël a la bonne idée de sortir la planche de l’eau pour la poser sur des pierres : maintenant elle sort de l’eau. Mais elle reste bien étroite et glissante. Je tente le début sans mon sac : en avançant toujours le même pied, ça va à peu près. Arrivée au milieu je n’ai aucune envie de me retourner ou de marcher, donc je vais jusqu’au bout, puis je reviens. Donc c’est possible de passer… Je recommence avec mon sac, forcément moins agile avec le poids en plus, puis c’est le tour de Gaël : ouf, on est passés ! On remarque que les passages de rivière étaient mieux aménagés dans les endroits où vivaient les nomades que dans ce parc national.

On s’offre un pique-nique bien mérité après ces émotions, puis on continue dans la jolie vallée. La route est toujours excellente, et devient de plus en plus large au fur et à mesure qu’on se rapproche de l’entrée du parc national. Mais il se met de nouveau à pleuvoir violemment, alors que nous atteignons le plateau avant le village d’Alplagen. Il y a un groupe de cabanes abandonnées près d’un petit parking, on se réfugie sous un auvent pour attendre que la pluie se calme un peu. Deux Kirghizes viennent nous demander s’ils peuvent partager l’auvent avec nous, bien sûr, il y a de la place ! Ils reviennent avec 5 autres personnes, et tout le matériel nécessaire pour faire un beau pique-nique avec des brochettes shashlyks ! Ils travaillent au ministère de l’économie, et à ce qu’ils nous disent, aujourd’hui c’est la fête des économistes, donc tout le bureau fait la fête. On parle surtout russe avec quelques mots d’anglais : la chef rit très fort de se faire appeler “boss” par ses collègues. Tout ce petit monde est très joyeux, la vodka est sortie assez vite et même si je préfère leur excellent jus d’abricot, on porte quelques toasts à l’amitié franco-kirghize. Ils insistent même pour boire à la santé de Sarkozy ! On mange plein de fruits excellents, et même une brochette chacun, puis on les laisse faire la fête pour continuer : notre but est d’être à Bichkek le lendemain pas trop tard, il faut donc qu’on se rapproche du village de Kashka-Suu où on pourra prendre une marshrutka, encore à 7-8 kilomètres. Le village d’Alplagen se compose de quelques boutiques et d’un hôtel hors de prix (les prix ne sont pas affichés mais on nous parlera plus tard de sommes astronomiques, plusieurs centaines de dollars pour une chambre, du coup on sera bien contents de ne pas s’être laissés tenter par un lit confortable…). On achète du pain, du chocolat et une bière, l’essentiel quoi, à un magasin puis on continue vers la sortie du parc. Il y a maintenant beaucoup plus de trafic : ce sont les Bishkekois qui vont fêter le vendredi soir dans la montagne. On voit passer en trombe quelques énormes Mercedes aux vitres teintées : il y a là des gens bien différents des Kirghizes des montagnes !

On essaye de faire un peu de stop dans l’espoir d’arriver à Bishkek dès ce soir mais la plupart des voitures sont pleines à craquer. On marche maintenant sur une route goudronnée avec un trafic peu important mais régulier. Dans une aire de repos sur le côté de la route on aperçoit une voiture qui a roulé dans une profonde ornière, dont les occupants n’arrivent pas à la sortir malgré leurs efforts. On se dit qu’on va aller leur donner un coup de main pour pousser la voiture. Mais ce n’était pas forcément une bonne idée… Le groupe se compose du conducteur, de deux hommes qui essayent de pousser la voiture, et d’un homme et d’une femme avachis à l’intérieur de la voiture – complètement bourrés. On tique un peu qu’ils ne les aient pas déchargés pour alléger la voiture, mais on ne dit rien. On commence à tirer, pousser, soulever avec les deux autres gars pendant que le conducteur s’escrime sur l’accélérateur mais les roues patinent et la voiture n’arrive pas à remonter. On commence à placer des branches et à enlever les pierres pour que les roues accrochent mieux, mais le conducteur est désagréable et même violent, crie très fort, roule à moitié sur un de ses copains qui a juste le temps de s’écarter . Avec un des deux autres gars qui est lui aussi bien bourré et me jette des regards bizarres, tout ça ne me plaît pas beaucoup… La voiture est en meilleure position que tout à l’heure mais elle n’est pas encore sortie, mais de toute façon le conducteur n’écoute personne donc on s’en va et on retourne sur la route.

Un peu plus tard, on marche tranquillement quand on entend le bruit d’une voiture lancée à fond la caisse : c’est les cinglés de tout à l’heure qui ont réussi à sortir leur épave de l’ornière et foncent dans notre direction. Ils passent extrêmement vite à côté de nous – on s’est quand même bien écartés sur le côté, mais ça fait peur – puis freinent tout aussi brutalement pour nous parler. Ils sont super contents de s’être sortis de ce mauvais pas, nous remercient chaudement de les avoir aidés et nous proposent de venir faire la fête avec eux. Les deux poids morts de tout à l’heure semblent être sortis de leur coma éthylique, du coup ils ont tous l’air uniformément bourrés, sauf l’un d’entre eux qui avait l’air bien inquiet tout à l’heure. Autant dire que leur compagnie ne nous fait pas très envie, sans parler du fait de se retrouver dans leur voiture… Mais ça a l’air de les fâcher qu’on ne veuille pas, le conducteur se remet à crier comme tout à l’heure, ça ne nous plaît pas du tout, du coup on explique qu’on allait camper juste à côté et on disparaît dans les buissons sur le côté de la route. Mais on n’entend pas la voiture redémarrer… Il s’ensuit pour nous une demi-heure de paranoïa où on se demande ce qu’ils nous veulent au juste. On s’écarte bien de la route et on reste un petit moment sans bouger. Puis on se convainc qu’ils sont bien partis et on repart, mais ce n’était vraiment pas un moment agréable. Du coup on décide de se chercher un camp loin de la route pour éviter la présence des fêtards bourrés dans le coin. On trouve un endroit dans un verger un peu en hauteur, pas génial parce qu’il n’y a pas vraiment de terrain plat, mais ça ira. Un dernier lyophilisé, et au lit ! Pendant la nuit on entend les cris déchirants d’un animal qui a l’air tout près, c’est un peu angoissant. Le matin venu je me convaincrai qu’il s’agissait probablement d’une espèce de corbeau, mais sur le coup ça n’était pas très rassurant.

Samedi 7 juin : retour à Bishkek

C’était la dernière nuit sous la tente, il nous faut maintenant rejoindre Kashka-Suu puis aller à Bishkek. Il reste quelques kilomètres à faire, on essaye encore le stop avec les voitures qui passent mais elles sont toutes pleines pour la plupart, comme la veille. Mais on a de la chance : une marshrutka qui avait visiblement monté un groupe jusqu’à Alplagen redescend vide et propose de nous emmener… jusqu’à Bishkek. On accepte, évidemment. On propose de le payer, mais il refuse en nous disant : “mais oui, je sais que vous avez de l’argent, mais ce n’est pas la peine”. Super gentil de sa part. On traverse Kashka-Suu, bien contents de ne pas avoir dû marcher jusque là, puis les faubourgs de Bishkek, et on se retrouve en plein Bishkek à 9h du matin, soit bien plus tôt que ce qu’on pouvait espérer.

Bishkek bazaar Bishkek bazaar

Nous voudrions aller poser nos sacs à la guesthouse Ultimate Adventure où nous avons réservé pour cette nuit, mais il est encore un peu tôt pour ça. Du coup nous décidons de profiter de la gastronomie locale pour passer le temps, et nous changer des lyophilisés des derniers jours. On commence par quelques samsas absolument délicieux à emporter, puis quand les cafés ouvrent à 10h on commande des salades et encore des samsas : on va passer la journée à manger ! On marche dans les grandes avenues de Bishkek, étincelantes sous le soleil, croisant ça et là les monuments colossaux de l’époque soviétique : ça fait très bizarre d’être de retour dans une grande ville. Vers 11h on se met en route vers la guesthouse : on y retrouve Smaïl, toujours aussi sympa. Il a fort à faire car il est un des organisateurs du Paris-Pékin à vélo qui est arrivé hier à Bishkek, mais il prend le temps de nous demander de raconter nos balades. Puis on se précipite sur la douche, on en a bien besoin ! Il nous reste toute l’après-midi, qu’on passe agréablement au bazaar de Bishkek. On continue notre recherche du meilleur samsa de Bishkek, on achète des fruits secs et de petites boules de fromage sec (très bonnes à l’appéritif avec une bière !) pour les ramener, ainsi que quelques souvenirs. Encore un bazaar bien sympathique. On se promène encore un peu dans les grandes avenues, puis on rentre à la guesthouse préparer notre départ. On avait prévu de passer la soirée au café-karaoké d’à côté pour faire la fête avec les Bishkekois, mais Smaïl nous propose de manger à la guesthouse. Il a préparé un plat algérien, des crêpes fourrées d’un mélange d’herbes et de fromage, un vrai régal. Il y a aussi sa femme américaine, sa fille, un employé de la guest house, le médecin français du Paris-Pékin et un cycliste allemand blessé qui a besoin d’un peu de repos. On parle longuement de voyages et de randonnées, alternant le français, l’anglais et l’allemand. Et on dévore les crêpes de Smaïl, le jambon et la salade qu’il nous apporte, à tel point que ça fait bien rire les autres convives, pourtant eux aussi affamés ! Encore une soirée très sympathique grâce à la générosité de nos hôtes.

Bishkek bazaar Bishkek bazaar

Dimanche 8 juin : retour à Paris

Notre vol est très tôt le matin, donc on va en taxi à l’aéroport de Manas. C’est la fin de ces trois superbes semaines de vacances en Asie Centrale. Il faudra y retourner, peut-être en ayant appris un peu plus de russe, et à monter à cheval : il doit y avoir peu d’endroits où les paysages sont si beaux et les gens aussi gentils.

Go Top